N'en déplaise à M. Shimi, réclamer la dissolution d'un gouvernement qui se trouve dans un état de faiblesse et d'amoindrissement sans pareil n'est pas un geste de vanité. L'impuissance de Aziz Akhannouch à gérer les crises actuelles et à garantir les intérêts matériels de la nation est un danger considérable. On ne peut gouverner sans contrepoids moral et la torpeur politique n'est pas un choix. «Ils se veulent plus citoyens que tout le monde» : voici une phrase destinée à la protestation virtuelle contre Aziz Akhannouch, formulée par Mustapha Shimi dans sa dernière chronique. Le «politologue-universitaire», suffisamment connu pour faire bon marché de sa conscience, et qui se promet de porter ses suffrages sur tous les hommes les plus contestés, est la dernière voix en date à défendre le mutisme et l'inaction catastrophiques d'un chef du gouvernement dans la tourmente. Aziz Akhannouch, qui est allé recruter des adhérents aux quatre points cardinaux de la politique et de la presse, cherche la puissance dans le nombre pour convaincre. Pari lamentablement raté. Le monde brûle, et le chef du gouvernement veut que ceux qui s'opposent à lui s'abstiennent de s'exprimer et de penser. Le peuple cherche à être rassuré. Les tendances libérales voraces sont le seul ennemi de la paix publique. Les faits M. Shimi ? Presque 17 dirhams le litre d'essence, plus de 15 dirhams celui du gasoil. Le Haut-Commissariat au plan dit que le prix des carburants a grimpé de 8 % à 13,2 %, la banque centrale marocaine, elle, revoit à la hausse ses prévisions d'inflation pour 2022 et confirme un ralentissement de la croissance, conséquences d'une flambée du pétrole et d'une sécheresse exceptionnelle. L'inflation devrait atteindre 5,3% pour l'ensemble de l'année 2022, contre 1,4% en 2021, selon des projections désastreuses. Aziz Akhanouch, par son immobilité même, n'empêche pas seulement le progrès, il arrête aussi le mouvement. Par cela même qu'il se tient dans l'observation coupable, refusant d'agir, et blâmant ceux qui agissaient, il impose à tout le monde la même inertie. Donner un prétexte à la peur dans ces conditions est une faute politique. La cruauté des chiffres contre votre babillage, M. Shimi. Le gouvernement représentatif n'a pas une date assez ancienne (8 mois) et pourtant la gangrène en attaque le tronc. Défendre un exécutif qui pèche beaucoup plus par défaut de lumière que par absence de vertu est une faute morale, M. Shimi. Faut-il le dire ? On ne peut être chef de gouvernement et magnat du pétrole, dirigeant politique de premier plan et actionnaire majoritaire du premier distributeur de carburants du royaume. C'est le suicide de toute transparence. Faut-il le dire ? On ne peut pas être politologue respecté sans conscience critique. Le gouvernement exclut toute réduction de la fiscalité sur les produits pétroliers, écarte un retour à la subvention des carburants, promeut une « aide directe » pour des catégories ciblées de la population sans que cela avance. M. Shimi, ouvrez les yeux pour une fois. Petite information sans vanité : la BAM a initialement prévu une inflation de 4,7% pour l'année 2020. La forte inflation est tirée «principalement par... la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires ainsi que par l'accélération de l'inflation chez les principaux partenaires commerciaux». Pire, la BAM prévoit un ralentissement de la croissance à 1% après un rebond de plus de 7,9% en 2021. Non M. Shimi, vos pauvres mots ne résistent pas face à la souffrance des gens. La flambée des prix sera doublée par une mauvaise récolte due à une sécheresse exceptionnelle. Le gouvernement a été contraint de débourser des milliards de dirhams pour transporteurs routiers uniquement pour mettre fin à un mouvement de grève qui allait déclencher le pire. Concernant vos divagations sur La Samir, Mohammed Benmoussa, que vous connaissez certainement, ancien membre de la commission spéciale chargée du «Nouveau modèle de développement», peut vous répondre : «L'abandon de cette raffinerie, qui permettait de couvrir 60 % des besoins nationaux en pétrole raffiné, a été une erreur majeure», a-t-il dit, avant de regretter que le gouvernement ait «exclu pour l'heure une reprise de la Samir par l'Etat, comme il a écarté l'idée de réguler les prix des hydrocarbures, de faire jouer le levier fiscal ou d'instituer un prélèvement exceptionnel sur les bénéfices des pétroliers. » Le peuple marocain, lorsqu'il a choisi de diriger ses batteries électorales contre le PJD, voulait d'un nouveau souffle qui allège ses embarras. Les questions de forme sont épuisées, et Aziz Akhannouch, qui laisse pencher la balance du côté où l'incline son intérêt, joue avec le feu. Le gouvernement, déjà suspendu entre le présent qu'il déteste et l'avenir qu'il croit apercevoir, a tout-à-fait perdu terre ; ils a cessé d'exister à l'état de puissance agissante et cohérente. Heureusement qu'au Maroc, la liberté d'exposer ses opinions sans réticence ou sans déguisement ne nécessite pas l'obtention du patronage de M. Akhannouch. Vous n'avez pas, M. Shimi, ni vous ni M. Akhannouch, le monopole du dévouement à la monarchie.