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« Nous sommes dans une situation de marché oligopolistique »
Publié dans Albayane le 27 - 06 - 2022


Entretien avec l'économiste Mohammed Benmoussa
L'économiste et responsable politique et associatif Mohammed Benmoussa a été contacté par une journaliste du journal « Le Monde Afrique » pour une interview. Cet entretien a été réalisé au début du mois de juin 2022, mais après avoir confirmé sa publication, la journaliste a informé Mohammed Benmoussa que la direction de la rédaction du journal a décidé d'annuler sa diffusion.
Par transparence vis-à-vis des Marocains, Mohammed Benmoussa a confié cette interview pour publication au journal Al Bayane.
Voici le texte de cette interview :
Au Maroc, la flambée des prix des carburants a ravivé la polémique sur la libéralisation du marché des hydrocarbures ainsi que sur les conflits d'intérêt entre milieux des affaires et monde politique. Le chef de gouvernement, Aziz Akhannouch, est l'objet de critiques en raison de sa double casquette de dirigeant politique et d'actionnaire principal d'Afriquia, leader sur le marché national des hydrocarbures. Pour l'économiste Mohammed Benmoussa, ce « péché originel » de l'exécutif est la cause de son « inaction », alors que des solutions existent pour protéger le pouvoir d'achat des Marocains.
Professeur à l'université Mohammed VI Polytechnique, M. Benmoussa est également vice-président du mouvement citoyen « Damir » qui défend les libertés publiques, la justice sociale, la moralisation de la vie politique et la bonne gouvernance publique. Il a participé à la Commission spéciale chargée du « Nouveau modèle de développement », un plan impulsé par le Roi Mohammed VI fixant les principaux objectifs à atteindre par le Maroc d'ici 2035.
Le Maroc n'échappe pas à l'envolée des cours du pétrole à l'international, dans le sillage de la guerre en Ukraine. Pourquoi la libéralisation du marché des hydrocarbures en 2015 est-elle également mise en cause ?
Mohammed Benmoussa : Il y a bien sûr les facteurs exogènes que vous évoquez, mais ils ne suffisent pas à expliquer la hausse des prix des carburants à la pompe, qui ont doublé en un an, avec des conséquences dramatiques sur le pouvoir d'achat. Cette situation résulte également de choix politiques antérieurs qui ont rendu le pays vulnérable aux chocs externes. Je parle de la suppression progressive, entre 2013 et 2015, du mécanisme de subvention des prix des hydrocarbures. Auparavant, l'Etat marocain disposait d'une caisse de compensation qui jouait un rôle d'amortisseur social en prenant en charge les hausses des cours du baril. Aujourd'hui, à l'exception du gaz butane, les hydrocarbures ne sont plus subventionnés. A la même période, le secteur a été libéralisé : depuis décembre 2015, ce n'est plus l'Etat mais le marché qui fixe librement les prix à la pompe, du moins en théorie.
L'idée selon laquelle le jeu de la concurrence aboutirait à une diminution des prix s'est avérée être une vue de l'esprit. De fait, les prix ne cessaient d'augmenter quand le cours du brut diminuait. Depuis la libéralisation, nous sommes dans une situation de marché oligopolistique, où les trois grands distributeurs – Afriquia, Total et Shell -, qui se partagent plus de 60 % du marché, donnent le « la » à l'ensemble du secteur et réalisent des profits colossaux et illégitimes, au détriment des consommateurs et des petites et moyennes entreprises.
Ces profits que vous qualifiez d'« illégitimes » ont-ils été évalués ?
–En 2017, nous avions montré, sur la base des comptes 2016 de Total (le seul opérateur à les publier, étant donné qu'il est côté en bourse), qu'au même niveau d'activité, les profits de la compagnie avaient été multipliés par deux durant la première année de libéralisation. En 2018, un rapport parlementaire avait estimé à 17 milliards de dirhams [1,6 milliard d'euros] le montant des marges additionnelles des distributeurs par rapport à ce qu'ils gagnaient avant le désengagement de l'Etat. Damir a poursuivi l'exercice, et on peut estimer aujourd'hui à 45 milliards de dirhams [4,2 milliards d'euros] le montant des profits indus réalisés par les distributeurs entre 2016 et 2021.
N'y a-t-il pas une autorité pour réguler ce marché, le Conseil de la concurrence ?
-Le Conseil de la concurrence était inopérant entre 2008 et 2018. Lorsqu'il a été remis en fonction, il a réanimé une plainte reçue en 2016 d'un syndicat des transports sur des soupçons d'entente au sein du secteur des hydrocarbures. Malheureusement, le dossier est toujours en suspens. Le marché des hydrocarbures a donc été ouvert à la libre-concurrence sans organe de régulation. Et j'ajouterais sans contre-pouvoir. A ce titre, on ne peut que déplorer la faillite de la Samir, la seule raffinerie de pétrole du royaume qui avait ouvert en 1959 avant d'être privatisée en 1997 puis placée en liquidation judiciaire en 2016 pour cause de mauvaise gestion.
L'abandon de cette raffinerie – qui permettait de couvrir 60 % des besoins nationaux en pétrole raffiné -, a été une erreur majeure. Non seulement celle-ci aurait garanti au Maroc un certain niveau d'autonomie énergétique, mais elle aurait aussi joué le rôle de contrepoids à l'hégémonie des trois pétroliers. En proposant un prix raisonnable sur le marché, elle les aurait contraints à raisonner leur cupidité et à réduire leurs profits. Sa reprise en main par l'Etat me semble impérative.
Pour gérer la crise actuelle, le gouvernement privilégie plutôt un soutien aux transporteurs routiers...
-Une mesure sans doute aussi efficace qu'une cuillère à café pour vider une piscine olympique ! Le problème est bien plus profond et nécessite du courage politique pour mener des réformes de structure. Mais nous nous heurtons au péché originel de ce gouvernement, à savoir le conflit d'intérêt au sein de l'Exécutif : le chef du gouvernement est l'actionnaire majoritaire d'Afriquia. Même s'il a affirmé avoir démissionné du conseil d'administration, ce n'est pas suffisant. Or c'est un sérieux problème d'avoir un premier ministre qui traite de la régulation du secteur alors qu'il est partie prenante. Il aurait été logique qu'il se désiste de ce dossier pour ne pas avoir à trancher.
Pour l'heure, le gouvernement a exclu une reprise de la raffinerie la Samir par l'Etat, comme il a écarté l'idée de plafonner les marges des distributeurs, de réduire la fiscalité sur les produits pétroliers ou d'instituer un prélèvement fiscal exceptionnel sur les bénéfices des pétroliers, qui aurait pu être redistribué aux consommateurs sous forme de chèque carburant ou de bouclier tarifaire. Ces dispositions, bon nombre de pays européens les ont mises en œuvre. Au Maroc, l'inaction du gouvernement est flagrante. Tout autant que l'est son manque d'ambition pour mener à bien les réformes du Nouveau modèle de développement censé assurer l'émergence du royaume, que ce soit en matière de création et de répartition des richesses ou de moralisation de la vie publique.


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