Ecrit par Lamiae Boumahrou Plusieurs zones d'ombre continuent d'entourer les dossiers des prix des hydrocarbures et de la raffinerie la Samir. Malgré des pertes qui se chiffrent en milliards de DH, le gouvernement semble aux abonnées absents. Le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole pour la renationalisation de La Samir dénonce l'inertie de l'Exécutif face au lobby des pétroliers. Détails chiffrés d'un dossier crucial pour l'économie. Bien que le dossier des prix des hydrocarbures et celui de la raffinerie de la Samir revêtent une importance cruciale pour garantir la sécurité énergétique du pays et pour réduire les prix des hydrocarbures appliqués au niveau national, il n'y a toujours pas de visibilité sur l'aboutissement de ce dossier chaud. Le gouvernement s'est-il désengagé ? Ce qui est sûr c'est que depuis quelque temps, très peu osent s'aventurer dans ce sable mouvant. On n'entend quasiment plus les voix qui s'étaient levées en 2018 au sein du Parlement pour dénoncer les abus des sociétés d'hydrocarbures suite au rapport de la commission parlementaire relatif au secteur des hydrocarbures qui a fait ressortir des gains de plus de 17 Mds de DH en moins de 3 ans. Ce silence exaspère de plus en plus le Front national pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole pour la renationalisation de La Samir qui milite depuis juillet 2018 (date de sa création) pour sauver la raffinerie. Aujourd'hui c'est un autre combat qu'il mène en parallèle à savoir celui des prix des hydrocarbures, étroitement lié à celui de la raffinerie. Il est vrai que l'issue de ce dossier dépendra du rapport de la commission que SM le Roi a nommée en juillet dernier pour tirer au clair la confusion qui entoure ce dossier et les versions contradictoires présentées par le Conseil de la concurrence. Néanmoins, en attendant, les Marocains et les entreprises continuent de payer le prix fort au détriment de leur pouvoir d'achat et de leur compétitivité. D'après une étude, menée pendant 3 mois par le Front et dévoilée le 7 décembre, le total des bénéfices illégitimes et immoraux réalisés sur la vente des hydrocarbures a dépassé le seuil des 38 Mds de DH (compte non tenu des profits réalisés sur le kérosène, le fuel et l'asphalte). Plus flagrant encore, l'étude révèle qu'en 2020, année de crise économique due à la pandémie, les pétroliers auraient encaissé un bénéfice de 8,3 Mds de DH contre 6,2 Mds de DH en 2019. A ce jour, aucune des parties concernées (ni gouvernement ni pétroliers) n'a contesté ces chiffres. Si ces chiffres s'avèrent vrais, le gouvernement devrait expliquer ces consentements au moment où les finances de l'Etat sont en chute à cause de la crise sanitaire et au moment où le Maroc avait tant besoin de la devise ? La dégringolade Ce qui est sûr c'est que plus le temps passe, plus la valeur de la Samir chute, plus le coût de la réhabilitation des installations pour une mise en service augmente et plus le manque à gagner est important. L'économiste Mohammed Benmoussa, vice-président du Front, a précisé, lors d'un point presse organisé ce lundi 14 décembre, que le coût de la remise en état de la raffinerie est estimé à 2 Mds de DH à fin 2020 en plus de 5 Mds de DH pour l'approvisionnement des produits pétroliers avant lancement. Quant à la valeur de la raffinerie, fixée par le tribunal à 17 Mds de DH, elle ne cesse de dégringoler notamment avec la crise du Covid. Mohammed Benmoussa, a tiré, une fois de plus, la sonnette d'alarme en donnant un chiffre plus qu'alarmant. « La valeur de la raffinerie est passée d'entre 22 et 24 Mds de DH il y a trois ans, à moins de 20 Mds de DH à ce jour », a-t-il déploré. Le gouvernement est-il réellement conscient de ce risque ? A-t-il les mains liées ? Y a-t-il une réelle volonté politique pour prendre des décisions audacieuses et boucler cette affaire ? Pas si sûr regrette Houcine Lyamani, président du Front. « Depuis la libéralisation, les gains des sociétés d'hydrocarbures avoisinent les 8 Mds de DH par an. Un vrai crime à l'encontre des Marocains dont le pouvoir d'achat a considérablement été impacté par les pratiques des opérateurs mais aussi les entreprises qui ont également été fortement impactées », a-t-il précisé. De blocage en blocage Ce que conteste le plus le Front c'est le silence radio du gouvernement sur ce qu'allait être une bouée de sauvetage pour la raffinerie en attendant la délivrance. Il s'agit du retard qu'accuse la concrétisation de l'opération de location des réservoirs de la Samir par l'ONHYM. « Il est important de s'interroger sur les raisons de l'inactivité et de l'inaction du pouvoir exécutif sur ce dossier d'autant plus que la responsabilité directe et indirecte de certains nombres de structures de l'administration est mise en cause dans la faillite de la Samir », a souligné l'économiste Mohammed Benmoussa, vice-président du Front. D'après le Front, l'Etat, qui était en concurrence avec des sociétés étrangères également intéressées par cette offre, aurait mis les mains et les pieds pour remporter le marché. Le Tribunal de commerce avait fini par approuver la demande du gouvernement marocain pour l'exploitation des réservoirs de la Samir dans la circonstance exceptionnelle de la crise sanitaire. L'objectif était d'augmenter les réserves du Maroc en produits pétroliers qui étaient en dessous de 35 jours pour le diesel, de contribuer à la baisse des prix appliqués au Maroc ainsi que d'aider la société Samir à obtenir des recettes pour faire face aux dépenses des salaires des travailleurs et à préserver les actifs de l'entreprise. 6 mois plus tard, le contrat définitif qui devait lier l'Etat (représenté par l'ONHYM) et La Samir n'a toujours pas vu le jour. Malheureusement ce retard a un coût qui se chiffre en milliards de DH. Il s'agit d'un manque estimé à 100 MDH/mois pour la Samir et environ 4,5 Mds de DH pour la trésorerie de l'Etat en valeur par rapport à la hausse des prix du pétrole qui sont passés de 20 à plus de 40 dollars. Le Maroc aurait profité de la baisse historique du prix du baril pour se constituer un stock et ainsi éviter une sortie importante de devises ô combien importante en ces temps de crise. Interpellé par nos soins sur ledit retard, Aziz Rebbah, ministre de l'Energie, des Mines et de l'Environnement s'est contenté de préciser que « l'étude juridique est toujours en cours ». Et pourtant il était question d'une entrée en vigueur éminente de cette décision pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire. « Ce projet de stockage a été gêné par les lobbies qui contrôlent le marché des hydrocarbures au Maroc. Son aboutissement aurait mis à nu les pratiques et les énormes profits des carburants au Maroc après la libération par le gouvernement de Abdelillah Benkirane », a tenu à préciser Houcine Lyamani. A noter qu'à travers cette opération, le gouvernement deviendrait un acteur parmi les opérateurs et par conséquent appliquerait des prix sans marge de bénéfice. Cela dévoilerait les réelles marges appliquées par les pétroliers. Pour faire avancer ce dossier, le Front a frappé à la porte de tous les partis politiques afin qu'ils portent devant le Parlement les deux projets lois proposés par le Front à savoir le transfert des actifs de la société « Samir » à l'Etat marocain et la régulation des prix des carburants liquides. Houcine Lyamani a précisé qu'hormis le RNI et le MP qui ont esquivé jusqu'à aujourd'hui la demande de rencontre avec le Front, tous les autres partis politiques ont exprimé leur soutien à cette initiative.« Après le dépôt des propositions de loi par l'USFP, la CDT et le PSS nous attendons que le reste des formations politiques concrétisent leur soutien afin d'exhorter le gouvernement marocain, à travers tous les mécanismes possibles, à programmer et à discuter lesdites propositions le plus tôt possible », a-t-il espéré. Reste à voir si les deux propositions de lois trouveront chemin à l'hémisphère du Parlement et ainsi lancer un vrai débat démocratique sur le sujet. A suivre !