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En Algérie, Antony Blinken a éprouvé la psychose antimarocaine du président Tebboune
Publié dans Barlamane le 08 - 04 - 2022

Recevant le Secrétaire d'Etat américain Anthony Blinken à Alger le 30 mars 2022, le président algérien lui a fait un exposé qui a duré 27 minutes. On connait la teneur du discours de Tebboune car la transcription, en anglais, en a été publiée sur le site du Département d'Etat. Cette pratique n'est pas systématique, mais elle n'est pas exceptionnelle.
Pour autant, la publication des propos de Tebboune n'est pas innocente, quand on sait ce qu'il a dit et comment il l'a dit. La presse algérienne n'a pas encore réagi à ce sujet, ce qui,
traditionnellement est le signe d'un grand embarras. En revanche, rien n'a filtré des entretiens de Blinken avec le ministre des affaires étrangères Ramtane Lamamra. On peut gager que c'est au cours de la rencontre des deux ministres que les choses importantes ont été dites. Tout donne à penser que les échanges ont été vifs, à en juger par l'absence de communiqué commun et de conférence de presse conjointe. Blinken n'a pas non plus fait de déclaration à la presse à sa sortie d'El Mouradia, comme le veut l'usage en Algérie. Jusqu'aux tweets du Secrétaire d'Etat, qui manquaient singulièrement de chaleur en comparaison avec ses
publications à l'issue des étapes antérieures. De là à dire qu'il y a de l'eau dans le gaz...
Pour en revenir au soliloque d'A. Tebboune, nous passerons rapidement sur les aspects et les propos qui ont déjà été commentés ailleurs, notamment l'emploi du français par le chef de l'Etat dans un pays qui se targue de vouloir éliminer la langue de Molière de son paysage, la médiocrité du style et les nombreuses fautes de grammaire et autres, le style « compte-rendu » de l'exposé, l'insolite référence à la proximité entre les dates des fêtes nationales respectives de l'Algérie et des Etats-Unis, le passage loufoque au sujet du déficit en lait qui oblige à importer « énormément de lait en poudre que nous recomposons avec de l'eau », etc.
Nous ne pouvons pas, cependant, ignorer le passage où le président algérien, parlant des relations avec le Maroc, dit qu'elles « ont toujours été couci-couça (sic), depuis notre indépendance ».
Concentrons-nous sur le fond et voyons ce qu'a dit le président algérien. Précisons que les propos cités dans la présente étude sont extraits de l'enregistrement audio original et reproduits en l'état (la transcription anglaise n'étant pas fidèle à 100%).
1. Voisinage de l'Algérie :
L'Algérie est entourée de pays qui ne lui ressemblent pas beaucoup, selon Tebboune. N'est-ce pas plutôt le régime algérien et son système de gouvernement qui font exception et ne ressemblent pas à ceux des pays voisins ? « Gardons toujours à l'esprit que nous avons affaire à un régime sui generis à nul autre pareil, opaque et fermé. Le régime algérien fonctionne selon des codes, des paramètres et un système de pensée qui lui sont propres » écrivions-nous ailleurs.
Tebboune exclut la Tunisie, avec laquelle, dit-il, il y a des ressemblances dans beaucoup de domaines, – sans préciser ni les ressemblances ni les domaines. S'il y a des ressemblances entre l'ouest algérien et la Tunisie, il y en a autant entre l'est algérien et l'Oriental marocain. Prétendre le contraire ou ignorer cette réalité, c'est faire preuve de mauvaise foi.
* Les relations avec le Maroc :
* « C'est pas récent, c'est pas l'affaire du Sahara »
Faux. Depuis 1975, les relations entre le Maroc et l'Algérie sont en dents de scie à cause de l'hostilité algérienne à l'intégrité territoriale du Maroc. Auparavant, il y a bien eu la querelle sur les frontières, mais la question a été réglée (pour le Maroc en tout cas) en 1972, avec la signature de la Convention relative au tracé de la frontière d'Etat établie entre le Maroc et
l'Algérie (15 juin 1972).
– Autant nous, nous respectons tous les peuples, on respecte les frontières des peuples, autant eux sont expansifs (sic).
Dire qu'on respecte les frontières des autres alors qu'on héberge, finance, arme et pousse au terrorisme un groupe armé dont on reprend complaisamment les « communiqués militaires » surréalistes, c'est, à tout le moins, un abus de langage.
Expansifs : Lapsus linguae révélateur. Oui, le Marocain, en général, est de tempérament expansif et de commerce agréable.
– Aucun Algérien n'oubliera que nous avons été attaqués en 1963. [...] pour qu'ils prennent une partie de notre territoire.
C'est l'éternelle antienne, au chapitre de la fameuse rente mémorielle. La malheureuse
« guerre des sables » a eu lieu il y aura bientôt 60 ans. 60 ! On peut se demander combien d'Algériens y pensent encore. On peut aussi se demander pendant combien de temps le régime algérien va-t-il continuer à ressasser cette rengaine. Le temps n'est-il pas arrivé de tourner la page ?
D'autre part, le Maroc n'a pas cherché à s'emparer de territoires algériens, il n'a fait que se défendre et défendre son territoire. N'inversons pas les rôles.
– Il a fallu attendre 1972 pour que le roi du Maroc accepte de serrer la main au président mauritanien
Ce n'était pas en 1972, mais en 1969, à Rabat, en marge de la première Conférence islamique.
– Puis il y a eu cette fameuse affaire du Sahara. [...] Mais les tensions qui existent entre nous ne sont pas dues, contrairement à ce qu'ils disent, à l'histoire du Sahara occidental. C'est [à cause] d'autres problèmes, ils ont toujours voulu déstabiliser l'Algérie, je ne sais pas pourquoi alors que nous avons toujours protégé le Maroc. On n'a jamais été regardant dans nos relations, mais c'est pas normal quand même que 60 ans d'indépendance que les frontières soient fermées pendant 40 ans.
Quels sont les « autres problèmes » qui ont poussé le Maroc à vouloir « déstabiliser »
l'Algérie ? Tebboune ne le dit pas. Pas plus qu'il ne précise quand et comment l'Algérie a-t- elle « protégé » (!) le Maroc. Il ne sait pas pourquoi le Maroc en veut à la « stabilité » de son voisin. Toujours cette manie de lancer des accusations sans apporter la moindre preuve. Il admet que la fermeture de la frontière est une anomalie, sans toutefois reconnaitre que c'est l'Etat algérien qui tient à cette fermeture.
Le président algérien « pense » (!) que le ministre [algérien] des affaires étrangères a
« beaucoup de documents qui sont signés par le roi Hassan II que Dieu ait son âme », mais là non plus il ne dit pas lesquels.
Il souligne que la position algérienne « est vis-à-vis du Sahara occidental, pas vis-à-vis du Maroc ». Propos vides de sens, car le Maroc et son Sahara ne font qu'un. Le parallèle avec Timor Leste n'est pas pertinent car l'Indonésie est l'Indonésie et le Maroc est le Maroc.
La technique perfide et indigne qui consiste à vouloir mettre dans le même sac le Sahara marocain et la Palestine est une insulte à 36 millions de Marocains.
* Palestine/Israël
« Sur le dossier palestinien, notre position ne changera pas. Il y a une décision qui a été prise au niveau de la Ligue arabe de faire la paix avec Israël et qu'Israël reconnaisse l'Etat palestinien. C'est ce qui a été fait et c'est ce que nous suivons jusqu'à présent.
Donc c'est la paix contre les territoires etc. mais nous n'avons aucune animosité vis-à-vis d'eux. Le seul problème qu'il y a entre nous, c'est la Palestine, rien d'autre. »
Langage conciliant et modéré auquel le véhément président ne nous a pas habitués. Si
l'Algérie valide la formule des deux Etats, pourquoi son gouvernement donne-t-il à croire au peuple algérien qu'il se pose en champion du « combat antisioniste » ? Et si l'Algérie n'a qu'un seul problème avec Israël, « la Palestine et rien d'autre », pourquoi fustiger les
« normalisateurs » ? En principe, Tebboune aurait également dû dire à Blinken, les yeux dans les yeux, tout le bien qu'il pense de « l'entité sioniste ». Il aurait dû, dans la foulée, souligner, comme des responsables algériens l'ont déclaré plusieurs fois (alors que c'est faux) que l'une des causes de la rupture d'Alger avec le Maroc est la « normalisation » de ce dernier avec Israël.
Nous mentionnerons en passant les propos peu diplomatiques d'A. Tebboune sur plusieurs pays africains, dont la Mauritanie (« La Mauritanie est chancelante, elle n'est pas très puissante »), la Libye, le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Mali. Avec « nos amis français », il y a eu des incompréhensions, a dit le président algérien, alors qu'il lui est arrivé de déclarer en de précédentes occasions qu'entre son pays et la France, il y a des
« problèmes ». De l'art de manier la litote.
* Armement
« Ce que nous dépensons pour protéger nos frontières on souhaiterait le mettre dans le développement de notre pays. On n'a pas besoin d'autant d'armes, ça c'est pour nous défendre. D'ailleurs nous avons une théorie militaire de défense, nous n'avons jamais eu une théorie d'attaque ou d'aller ailleurs. »
Le budget annuel des dépenses militaires en Algérie en 2022 atteint 10 milliards de dollars, soit 6,7% du PIB. Avec une augmentation de 90% par rapport à 2019, l'Algérie occupe le premier rang en Afrique et le 23è dans le monde.
* Blé
« Un pays aussi vaste [que l'Algérie] peut servir l'Afrique en matière de grains,... on peut produire facilement 30 millions de tonnes, nous avons besoin de 9 millions et les 21 millions peuvent être exportés vers l'Egypte, vers le Maroc, vers la Tunisie sans problème. »
On ne peut que souhaiter à l'Algérie d'exporter des céréales, mais le pays en a-t-il les capacités ? Quant à vouloir vendre du blé au Maroc, « l'ennemi traditionnel », une telle perspective ne peut que faire sourire.
En définitive, le discours que Tebboune a tenu à Blinken fourmille d'approximations, de lacunes et de contrevérités. Le monologue se caractérise par un ton acrimonieux, plein de rancœur à l'égard du Maroc. Ce n'est pas nouveau, quand on sait que l'exercice favori à Alger consiste à insulter le voisin. L'agressivité, l'ignorance de l'histoire, le sentiment de persécution et le manque de respect des voisins sont habituels. Ce qui est nouveau, c'est le double langage et le manque de courage face au secrétaire d'Etat américain. Le régime algérien sait se faire humble et obséquieux devant plus puissant, remisant au placard ses slogans grandiloquents et faisant fi de ses « grands principes ».
Derrière l'arrogance et l'invective, il y a souvent de l'indigence intellectuelle.


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