Le verrouillage du paysage médiatique indépendant ainsi que celui politique marquent un nouveau autoritarisme encore plus implacable et brutal. Un nœud coulant étouffe le désir de démocratie des Algériens et toute transition institutionnelle du pays. Une répression massive, disproportionnée, implacable a visé le Hirak, ce mouvement de rue populaire qui peine à rejaillir. Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie (MAK) ; Mohamed Larbi Zitout, fondateur de Rachad (membres de l'ex-Front islamiste du salut en exil) ; Rachid Mesli, avocat et militant de Rachad ; Amir Boukhors, sulfureux youtubeur plus connu sous le nom d'Amir DZ ; ou encore Hichem Aboud, ex-directeur d'un journal algérien, sont désormais officiellement inscrits sur «la liste nationale des personnes et entités terroristes», écrit Le Figaro. «Cette liste, tout comme la création de la Direction générale de la lutte contre la subversion, est un signal à tous ceux qui ont décidé de se conduire en ennemis de l'Algérie, mais aussi un message aux pays qui les accueillent, explique une source au Figaro, résumant l'état d'esprit à l'intérieur de l'appareil sécuritaire: oui à l'opposition, non à l'insurrection.» «Depuis quelques mois, on voit bien que le pouvoir s'attaque à des symboles de l'opposition historique, rapporte un militant du PAD. Pouvait-on imaginer que le RAJ (Rassemblement action jeunesse), une institution de la société civile algérienne depuis les années 1990, puisse être dissous? Que le RCD (Rassemblement pour la culture et la démocratie), un parti d'opposition qui existe depuis la fin des années 1980, puisse être lui aussi menacé de dissolution? Ou même qu'un ancien candidat à la présidentielle complètement inoffensif (le général major à la retraite Ali Ghediri, NDLR) puisse être condamné à quatre ans de prison ferme pour avoir porté atteinte au moral de l'armée?», a-t-on noté. «Au cours du seul mois de janvier, les autorités algériennes ont suspendu un parti politique, ont menacé deux autres de subir le même sort et condamné le leader d'un parti politique à deux années de prison pour avoir exprimé ses opinions contre la répression dans le pays», rappelle Amnesty International dans un rapport publié début février. Le journal énumère plusieurs signaux qui dénotent la radicalisation du régime : la condamnation de Fethi Ghares, coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS, gauche), à deux ans de prison ferme pour «incitation à un rassemblement non armé», «outrage à corps constitué» et diffusion d'informations pouvant «porter atteinte à l'intérêt national». Il avait simplement critiqué les autorités sur les réseaux sociaux et lors d'un meeting, mais aussi la suspension «provisoire» du Parti socialiste des travailleurs (PST), le contraignant à cesser toutes ses activités et à fermer ses locaux. «Il y a eu un décalage entre deux Hirak: alors qu'une large frange de la population voulait se débarrasser de Bouteflika, l'opposition, qui n'était pas à l'origine du Hirak, a surfé sur cette vague pour imposer un agenda plus radical: renverser le système, souligne un éditorialiste proche du pouvoir. C'est la raison pour laquelle la foudre est tombée sur certains membres du PAD – le RAJ, le RCD et l'UCP – mais pas sur des partis comme le MSP ou le FFS, pourtant eux aussi très critiques envers l'action du gouvernement, mais composants d'une opposition plus participative», a-t-on précisé. Alors que le président Tebboune a déclaré cette semaine qu'il n'y avait en Algérie «aucun détenu d'opinion», rappelle Le Figaro, la Ligue algérienne des droits de l'homme a dénoncé de nouvelles arrestations et rappelé que, depuis décembre, 40 prisonniers d'opinion suivent une grève de la faim. Le parquet a requis jeudi une peine de plus de deux ans de prison ferme contre le militant et journaliste Khaled Drareni, soit une peine supérieure à la sanction à laquelle il avait été condamné en appel, pour «incitation à attroupement non armé» et «atteinte à l'unité nationale».