L'organisation Human Rights Watch a dénoncé jeudi la multiplication en Tunisie des poursuites judiciaires qui s'appuient sur des lois « répressives » contre les voix critiques du coup de force du président Kais Saied, y voyant un « danger » pour les libertés. «Les autorités tunisiennes poursuivent des citoyens devant des tribunaux militaires et civils et les emprisonnent pour avoir critiqué publiquement le président Kais Saied et d'autres responsables», a affirmé dans un communiqué l'organisation de défense des droits humains. Selon elle, «en s'appuyant sur les lois répressives promulguées avant la révolution (…) les procureurs s'attaquent à ceux qui critiquent le président Saied» et «sa saisie de pouvoirs exceptionnels». Selon Eric Goldstein, directeur par intérim de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW, «critiquer publiquement le président à la suite de son accaparement de pouvoirs additionnels», à partir du 25 juillet, «c'est prendre le risque de finir devant un tribunal». M. Saied a invoqué le 25 juillet un «péril imminent» pour limoger le Premier ministre, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire. Des députés, militants sur les réseaux sociaux et des personnalités politiques ont été poursuivis par des tribunaux militaires ou civils après des critiques publiques contre sa politique. Par ailleurs, l'initiative «Citoyens contre le coup d'Etat», lancée par des opposants au coup de force de M. Saied, a annoncé jeudi que des députés suspendus et des personnalités politiques ont décidé d'entamer une grève de la faim pour protester contre une «oppression flagrante et une abolition complète des libertés». «Il est devenu clair (…) que Kais Saied est déterminé à instaurer son régime autoritaire sous couvert de devises populistes», a indiqué ce mouvement sur sa page Facebook. Le lancement de cette grève de la faim intervient au lendemain de la condamnation par contumace de l'ancien président Moncef Marzouki par un tribunal Tunis à quatre ans de prison pour avoir «porté atteinte à la sûreté de l'Etat à l'étranger» après des déclarations en France critiquant publiquement M. Saied. «Un jugement émis par un juge pitoyable sur ordre d'un président illégitime», a réagi M. Marzouki sur sa page Facebook. Un juge avait émis début novembre un mandat d'amener international contre M. Marzouki, deux semaines après une demande du président Saied à la justice tunisienne d'ouvrir une enquête sur des déclarations de l'ancien président et de retirer son passeport diplomatique à celui qui figure à ses yeux «parmi les ennemis de la Tunisie». Le 16 décembre, le Syndicat national des journalistes en Tunisie a mis en garde contre «un danger imminent menaçant la liberté de la presse, des médias et d'expression» depuis le 25 juillet. Il a dénoncé «un verrouillage médiatique et une violation flagrante du droit des journalistes d'accéder à l'information» de la part de la présidence de la République et du gouvernement.