Confrontée depuis sept ans à une chute de ses revenus d'hydrocarbures, l'Algérie a décidé de renoncer à un système d'aides qui engloutit des milliards de dollars chaque année, tout en promettant de continuer à soutenir les plus défavorisés. Une mesure gravissime si elle est mal déployée. L'Algérie a fait état d'un excédent de 1 milliard de dollars en novembre et voit ce chiffre passer à 2,3 milliards de dollars d'ici la fin de l'année, ce qui pourrait être loué dans une économie fonctionnant normalement. Mais dans le cas de l'Algérie, cet excédent a été obtenu après avoir privé les citoyens de biens essentiels, entraînant une forte inflation et des pénuries. Et si le président de l'Association de protection du consommateur (APOCE), Mustapha Zebdi, avait plaidé ainsi pour une régulation du marché, afin de diversifier l'économie, il savait qu'il prêchait dans le désert. Les prix des fruits et légumes ont connu une flambée ces dernières semaines. Celui de la pomme de terre a momentanément triplé à 140 dinars (0,90 euros) contre 40 dinars, sous l'effet d'une pénurie de cet aliment essentiel en Algérie. Une pénurie due à un trafic de spéculateurs démantelé par les autorités. L'excédent algérien est également en partie attribué à la hausse des prix du pétrole et du gaz, qui sont passés de 20,2 milliards de dollars à 34,4 milliards de dollars. Cependant, l'Algérie a besoin d'un prix du baril de 100 $ pour équilibrer son budget, ce qui est peu probable compte tenu des prévisions de baisse des prix du pétrole une fois la transition vers la reprise post-pandémique stabilisée. Grèves, chômage et paupérisation, flambée des prix et pénuries de denrées de base: en Algérie, le front social en ébullition accentue une profonde crise économique. «Alors, pourquoi l'excédent commercial affiché par Alger n'est-il pas un événement à célébrer et pourquoi est-il insoutenable ? D'abord parce que les facteurs structurels des exportations algériennes n'ont pas changé. Le pays dépend pour une plus grande partie de ses exportations à 98% du pétrole et du gaz soumis à la volatilité des prix et voués à la chute en raison de la transition mondiale vers les énergies propres. L'excédent est plutôt le résultat de la privation du marché intérieur algérien de biens vitaux tels que les voitures neuves, les composants automobiles, les médicaments et les denrées alimentaires», écrit le site NPA. Pendant deux ans, l'Algérie a interdit l'importation de voitures neuves, entraînant une augmentation des prix des voitures d'occasion qui sont désormais vendues au prix des voitures neuves dans le pays. La fermeture des usines de montage automobile, à la suite d'un scandale tentaculaire de népotisme, et l'arrêt des importations de composants d'appareils électroménagers ont coûté plus de 50 000 emplois en 2020, avaient reconnu les autorités. L'Algérie a également mené une politique de réduction drastique des importations, provoquant de graves pénuries de médicaments nécessaires au traitement de maladies dangereuses, notamment le cancer. Les images de files d'attente pour des produits importés comme le lait abondaient sur les réseaux sociaux algériens, ajoutant aux longues files d'attente pour les liquidités bancaires, l'huile de cuisson et d'autres produits alimentaires. Même les produits dont l'Algérie prétend être autosuffisante font défaut sur le marché intérieur comme la pomme de terre dont les prix ont plus que doublé au cours des derniers mois. L'Algérie a réalisé un excédent commercial mais il s'agit d'un excédent insoutenable qui s'est fait au prix de priver le marché algérien de biens essentiels et au détriment de la santé et du confort des Algériens. En tant que pays fermé et n'ayant pas encore adhéré à l'Organisation mondiale du commerce, l'Algérie adopte une politique commerciale protectionniste qui nuit à la compétitivité de son propre tissu industriel et de services fragile. Sans ouvrir son économie et diversifier ses exportations loin du pétrole et du gaz, le régime militaire algérien cherche plutôt des solutions cosmétiques pour gagner du temps et éviter un épuisement rapide de ses réserves de change qui sont passées de quelque 200 milliards de dollars en 2014 à quelque 30 milliards de dollars actuellement, pas assez pour soutenir sa politique de subventions expansive. Alors que le salaire national minimum garanti (SNMG) en Algérie stagne à 20 000 dinars (un peu plus de 126 euros), la Confédération des syndicats algériens (CSA) considère qu'un salaire minimum décent devrait atteindre quatre fois plus.