Face au coup de force des spéculateurs, les autorités algériennes multiplient les initiatives pour inciter les commerçants à «contribuer à l'effort national» face à l'inflation, sans succès. Il n'y a pas foule au grand marché d'Alger. Sur les étals, des fruits et légumes essentiels mais qui plombent le porte-monnaie des familles. La patate est devenue un objet de spéculation économique, de plus en plus dévoyée de sa vocation première, nourricière. La rareté de ce légume crée surtout une demande supplémentaire concentrée sur les zones rurales, creusets de vulnérabilité alimentaire et d'instabilité sociale. Le prix du kilo de pommes de terre, qui a atteint 130 dinars (0,82 euro) contre environ 60 habituellement, «est devenu le principal indicateur pour dénoncer l'augmentation du coût de la vie en Algérie», écrit Le Monde, qui note que «certains aliments de base en Algérie se vendent désormais le double, voire le triple de leur tarif habituel.» En quelques mois seulement, le prix de la patate a presque doublé et l'augmentation a été sensible sur la plupart des produits alimentaires. Les clients se raréfient et se plaignent alors que les commerçantes peinent à se faire une marge. «Le gouvernement algérien a lancé des opérations de vente directe aux consommateurs, à un prix fixe de 50 dinars le kilo, et évoqué la possibilité d'un recours exceptionnel à des importations. Les autorités dénoncent régulièrement l'action de spéculateurs dans le domaine agroalimentaire, visant sans distinction intermédiaires, agriculteurs et grossistes, accusés de stocker les denrées pour faire monter les prix. Un projet de loi actuellement en discussion vise même à criminaliser la spéculation, avec des peines pouvant aller jusqu'à trente ans de prison» note le quotidien. «La hausse des prix commence en tout cas à peser sur les bourses des ménages. Dans le pays, l'inflation a atteint 5,66 % en juin, soit une augmentation de 3,4 points en un an, a indiqué devant les députés Aïmene Benabderrahmane, ministre des finances et chef du gouvernement. Les prix à la consommation sont repartis à la hausse en raison de l'augmentation des cours des matières premières à l'international, mais aussi de la dépréciation du dinar», a-t-on précisé. «Syndicats et associations de consommateurs ont appelé le gouvernement à revaloriser les salaires. Dans la fonction publique, les rémunérations sont figées depuis 2010, alors que les prix des aliments et de l'énergie n'ont cessé d'augmenter, dénonçait en septembre Mustapha Zebdi, président de l'Association algérienne de protection et d'orientation du consommateur et de son environnement (Apoce)» a-t-on indiqué. «Depuis plusieurs mois, la gronde sociale est réelle et plusieurs secteurs, dont l'éducation et la santé, menacent de se mettre en grève. Les enseignants, principalement ceux des cycles primaire, moyen et secondaire, observent déjà des grèves de deux jours par semaine depuis début novembre», a-t-on souligné. Un point épineux a été soulevé par le projet de loi 2022 : «la suppression du système des subventions généralisées – l'Etat finance les produits alimentaires de base et les énergies –, estimées à 17 milliards de dollars par an (environ 15 milliards d'euros) par le ministère des finances. Les autorités veulent réformer cette politique de transferts sociaux en en faisant bénéficier exclusivement les ménages à faibles et moyens revenus» note Le Monde.