« abla ababou galerie » met en scène dix artistes qui dialoguent autour d'une thématique commune : la matière, du 12 novembre 2021 au 12 janvier 2022 à Rabat. Entre sculpture, tissage, collage, peinture sur verre et sur toile, les univers défilent mais ne se ressemblent pas. Comme à son habitude, la galeriste, Abla Ababou, raconte une histoire au fil de ses expositions à thèmes, un brin de magie les accompagne, qui est sa touche dans le monde de l'art. Laine, verre, terre, argile, métal, peau, coquilles d'œuf, toile et papier, autant de matériaux dont dix artistes se sont emparés. A chacun sa technique. A chacun son histoire. Noureddine AMIR la raconte avec de la laine. Il la file, la teint, l'apprivoise pour en faire une sculpture troublante. Entre buste et robe, l'imaginaire s'emballe. Cette même matière que Morran BEN LAHCEN magnifie dans ses tableaux sculpturaux où dominent des formes arborescentes et sa couleur fétiche : un orange intense et lumineux. Une lumière que Karim MARRAKCHI exploite avec poésie dans ses tableaux sur verre. Au gré de l'éclairage, tout un foisonnement de détails et de paysages oniriques se redessinent et évoluent, révélant un avant-goût de paradis perdu. Aussi sensuelle, Fatiha ZEMMOURI se sert de la terre pour dessiner et graver des jarres fissurées, tridimensionnelles, en témoignage de la fragilité de la matière et d'une époque révolue. Un travail qui dialogue avec les portraits de Mohammed EL MOURID imprimés sur de la peau de bête. Des visages de souverains marocains et de femmes du siècle dernier figés sur la peau interpellent. Bestialité ou humanité ? Mémoire ou oubli ? Une course au questionnement rappelant en permanence la vulnérabilité de l'homme représenté par Mohammed ARRHIOUI avec ses silhouettes recroquevillées, incrustées de coquilles d'œuf. Quant à Itaf BENJELLOUN, elle préfère faire danser son personnage réalisé avec des fragments d'objets pour tourner le dos à la souffrance. Un savant jeu d'assemblage de différents matériaux que Mohammed MOURABITI manie avec brio pour nous plonger dans des paysages où marabouts, antennes paraboliques et seins de femme cohabitent. Un reflet de notre époque moderne jonché par les traces du passé. Des traces omniprésentes chez Hamid DOUIEB qui nous livre dans un seul tableau une superposition de plusieurs travaux allant du dessin à la peinture en passant par le collage. Et pour finir, Karim ALAOUI offre à voir des bustes masculins et féminins où affres de la vieillesse et esthétisme de la jeunesse sont gravés dans le métal. Plus qu'une exposition « matières plurielles » est un parcours à travers les formes et les couleurs, les matières constituant un véritable relais d'un artiste à l'autre. Nourredine Amir