La sélection gouvernementale a fait des déçus, des malheureux et des désillusionnés. Nous lui connaissons au moins un heureux : Moulay Hafid Elalamy. Vendredi 8 octobre au siège du ministère de l'Industrie, touchante cérémonie de passation des pouvoirs. Moulay Hafid Elalamy a transmis le relais à Ryad Mezzour, nouveau ministre de l'Industrie et du Commerce, en présence de Younes Sekkouri, ministre de l'Inclusion économique, de la petite entreprise, de l'emploi et des compétences, et de Leïla Benali, ministre de la Transition énergétique et du développement durable. À l'occasion, Ryad Mezzour a prononcé un discours d'adieu où il a vanté le bilan du ministre sortant, «un homme d'Etat, et un patriote, un vrai, pas un patriote de pacotille». Moulay Hafid Elalamy a versé quelques larmes: des larmes de joie. Car après huit ans à la tête du département de l'Industrie et du commerce, MHE est enfin libre. L'homme qui a donné corps à l'une des plus ambitieuses stratégies industrielles du pays amorce son retrait de la vie publique, s'affranchissant par la même occasion de ses codes, de son protocole et de sa réglementation plus ou moins stricte et plus ou moins respectée des affaires privées des membres du gouvernement. C'est un retour au business qui s'annonce donc pour Moulay Hafid Elalamy. Le fondateur de Saham s'était quelque peu éloigné du monde de l'argent durant son mandat, sans pour autant cesser d'engranger les bénéfices de ses investissements. Au fil des ans, et après quelques coups fructueux du groupe, le voici milliardaire. À Barlamane, nous avons par le passé critiqué l'ancien ministre. C'était dans le sillage de la candidature marocaine pour la Coupe du monde de 2026: après avoir révélé que Moulay Hafid Elalamy était détenteur de la nationalité canadienne, nous nous questionnions sur le bord qu'il allait servir: le Maroc, son pays de naissance, ou le Canada, où il a fait ses études et dont il est également citoyen. Et sans jamais remettre en question son dévouement au Maroc, au trône alaouite, notre propos était d'interroger la compatibilité de deux allégeances. En dehors de cet aspect, nous considérons le bilan de l'ancien ministre comme positif: non seulement a-t-il donné un nouveau souffle à la politique d'industrialisation et du commerce du pays, créé des centaines de milliers d'emplois, attiré certains des plus grands groupes au Maroc, mais il a également fourni des efforts plus personnels pour être à la hauteur des obligations ministérielles: apprentissage de l'arabe, prise d'écart avec les affaires, sans parler de son implication directe dans la lutte contre la pandémie de la Covid-19 sous la direction du roi Mohammed VI, etc. On notera également que, contrairement à de nombreux ministres, connus pour leur absence systématique aux séances des questions orales au Parlement, Moulay Hafid Elalamy faisait l'effort de s'y rendre, et répondait aux élus avec patience et pédagogie. Si le bilan global de son action à la tête du département de l'Industrie et du commerce reste encore à évaluer, pour identifier les grandes réalisations comme les carences, à l'instar de l'économie du numérique, qui a connu peu de progrès durant ces dernières années, dans l'ensemble, Moulay Hafid Elalamy a rempli ses responsabilités avec abnégation, sincérité, et dessiné un nouveau cap pour l'économie du royaume. Barlamane saisit cette occasion afin de lui rendre hommage, et lui souhaiter un bon repos (et un bon retour aux affaires) bien mérité. L'ancien ministre a parcouru bien du chemin depuis sa désignation par le roi en 2013. À l'époque, sa nomination avait soulevé des craintes et des réticences, en relation avec le monde des affaires. Aujourd'hui, il semble déjà regretté par une partie de l'opinion publique. Ainsi, l'homme qui a accédé au gouvernement en businessman aguerri en sort grandi de son expérience ministérielle: il quitte le navire en homme d'Etat qui a brillamment rempli sa mission et nous sommes tentés de lui dire: repos Général!