Moulay Hafid Elalamy, ministre du Commerce, de l'Industrie, de l'Investissement et de l'Economie numérique, était l'invité de la Chambre française de commerce et d'industrie à Casablanca pour y parler industrialisation et taux d'intégration. Il en a profité pour justifier sa stratégie lancée en 2014 et explicite la logique de son action. Il estime aussi que le meilleur est à venir. Compte-rendu. Devant une assistance conquise, composée en partie d'hommes d'affaires et d'industriels, Moulay Hafid Elalamy n'a pas livré, comme on pouvait s'y attendre, une avalanche de chiffres, ni même esquissé le début d'un bilan. «Je laisse cela pour les prochaines Assises de l'industrie», lance-t-il. L'exercice oratoire de l'initiateur en 2014 du Plan d'accélération industrielle (PAI) a plutôt consisté en une explication de l'action qu'il mène depuis deux ans. Argumenté et parsemé de slogans forts («Pas d'intérêts, pas d'actions») destinés à frapper les esprits, le discours de MHE sonne, à bien des égards, comme une réponse aux critiques qui commencent à jaillir ça et là (voir pages 22/23) sur la pertinence de son action en tant que ministre de l'Industrie. Celui qui se définit comme un «ex-futur opérateur économique» a rappelé les objectifs fondamentaux du Plan d'accélération industrielle et qui président à tous les contrats passés et à venir. Premièrement, créer de l'emploi, plus de 500.000 en l'occurrence à l'horizon 2020. «Nous nous sommes mis la corde au cou pour les 500.000 emplois. Mais ce chiffre n'est pas sorti du chapeau. Aujourd'hui, nous sommes dans une situation bien plus favorable que j'exposerai aux Assises», déclare-t-il. Deuxièmement, la part de l'industrie dans le PIB doit être importante. Elle doit passer de 14% aujourd'hui à 23% en 2020 du PIB après un passage par 27%, comme ce fut le cas pour les pays qui ont émergé. «Une économie dépendante de la pluie est problématique. Il est nécessaire que l'industrie contribue sérieusement à l'essor du pays», juge-t-il. Le troisième objectif poursuivi par le PAI est l'amélioration de la balance commerciale du Royaume. «Si un industriel respecte ces trois critères, nous décréterons qu'il mérite d'être accompagné à travers la mobilisation de deniers publics», justifie-t-il. Taux d'intégration : step by step Pour autant, il ne faut pas perdre de vue le taux d'intégration, qui mesure la quantité de valeur ajoutée créée, qui reste au Maroc. «Si nous oublions le taux d'intégration, il y aura des effets pervers», souligne le ministre. Mais pour arriver à un taux intéressant, il y a des étapes à franchir, comme ce fut le cas dans l'industrie automobile. «Dans l'automobile, au départ, nous avions la Somaca, une usine de montage CKD. En termes de valeur ajoutée c'est faible, mais cela ne veut pas dire que ce n'est pas à prendre», rappelle le ministre. Ensuite, Renault est arrivé en 2012 et le secteur est passé à un taux d'intégration d'environ 30%, selon MHE. «C'est pas mal !», juge-t-il. Et de rappeler qu'au moment de la signature du premier contrat Renault, on ne parlait pas encore de taux d'intégration. «Ce n'est qu'avec le contrat Peugeot que l'on s'est mis à parler intégration», précise-t-il. La future usine Peugeot de Kénitra, qui prévoit de fabriquer 200.000 véhicules et autant de moteurs, s'est fixée un taux d'intégration de 60% au départ pour atteindre 85% plus tard. «C'est une révolution. Cela nous oblige à avoir des métiers totalement nouveaux en amont de la chaîne de valeur», s'enthousiasme le ministre. «Suite à cela, nous sommes revenus vers Renault pour un taux d'intégration de 60% dans le cadre d'un nouveau contrat». CQFD. MHE explique ainsi que c'est palier par palier que l'on parvient à augmenter le taux d'intégration, en atteignant une taille critique, quitte à partir de très bas. «Nous avons été soignés» Mais tout ceci resterait incomplet et la mayonnaise n'aurait pas pris sans un autre élément incontournable, selon MHE : «le seul élément qui intéresse les opérateurs, c'est la perspective du gain. Si l'on ne rémunère pas le capital, ils ne viendront pas. L'Etat doit trouver des gisements aux opérateurs économiques pour y investir, payer des impôts, créer des emplois et aussi gagner de l'argent. Je le dis de la manière la plus décomplexée qui soit». A en croire le ministre de l'Industrie, les milieux économiques marocains avaient par le passé un peu de mal avec cette notion «d'appât du gain». «Je peux vous dire qu'aujourd'hui, nous en avons été soignés. Nous avons gagné ce combat. Mais attention à la récidive», prévient-il. Sa méthode est-elle la bonne ? L'avenir nous le dira et les Assises de l'industrie qui doivent se tenir prochainement, apporteront les premiers éléments de réponse, notamment sur les performances d'autres secteurs industriels moins médiatisés que celui de l'automobile. En tout cas, côté ministère, on assure travailler sans relâche pour suivre le rythme des sollicitations étrangères, qui ne cesseraient de se présenter. «Ce matin encore, nous étions en réunion avec un investisseur pour étudier l'option de produire des pneus au Maroc. Ça n'arrête pas de frapper à notre porte», assure le ministre. «Les astres s'alignent pour le Maroc !» «La tectonique des plaques bouge dans le bons sens pour nous», soutient MHE. Comme aime à le répéter le ministre à chacune de ses sorties, le fait que la Chine change de modèle économique, est une aubaine pour le Maroc. Car en décidant de doubler sa classe moyenne, et de ne plus être l'usine du monde, les opérateurs chinois regardent désormais ailleurs, et le Maroc a son mot à dire pour capter ne serait-ce qu'une infime partie de leurs investissements. Bref, la conjoncture internationale serait favorable pour le moment, autant en profiter. «Aujourd'hui, nous sommes gagnants, mais pour combien de temps encore, je ne sais pas. C'est une fenêtre de tir idéale pour les opérateurs marocains de prendre leur part du gâteau par le biais de joint-ventures et d'ancrer définitivement l'industrie», espère le ministre.