Le point sur le bilan du ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique. Son prédécesseur et en même temps son chef de parti, le RNI en l'occurrence, Salaheddine Mezouar, avait lancé en 2005 un premier projet de repositionnement industriel du Maroc, baptisé Emergence et conçu avec l'appui des experts du cabinet McKinsey. Moulay Hafid Elalamy, lui, apporte sa pierre à l'édifice en présentant, début avril 2014, six mois seulement après sa nomination au sein du gouvernement Benkirane II, une nouvelle feuille de route sous l'intitulé «Plan d'accélération industrielle». L'actuel ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique était vraisemblablement un peu pressé par le temps. Car il devait, en l'espace d'un demi-mandat, marquer de son empreinte son premier passage au sein du gouvernement. Lui qui venait d'un autre monde, celui du business et des affaires. Vu l'étendue des portefeuilles se trouvant sous sa responsabilité ministérielle (allant du commerce à l'économie numérique), Elalamy avoue avoir focalisé l'intérêt sur l'industrie dont le moteur était, reconnaît-il, en panne, sous l'effet d'une conjoncture économique difficile. «Il a fallu du temps pour faire un état des lieux et cerner les problématiques du secteur», a-t-il affirmé lors d'un f'tour ramadanesque organisé par le RNI en présence d'une pléiade d'hommes d'affaires à Casablanca. L'ancien patron des patrons a toujours en mémoire les drames sociaux et les destructions d'emplois qu'a connus le secteur du textile depuis les années 90. L'industrie a jusqu'alors suscité peu d'intérêt de la part des pouvoirs publics. «L'Etat a donné la part belle à un certain nombre de secteurs : l'agriculture, le tourisme, l'immobilier, etc. Il était temps de donner à l'industrie sa chance», insiste Elalamy. À ses yeux, la préoccupation de l'Etat n'est pas de baisser l'impôt, mais de résorber les déficits sociaux, construire des hôpitaux et créer les conditions favorables à la création de l'emploi. «Nous avons tendance à oublier cette réalité quand on est opérateur», témoigne l'ancien patron de la CGEM. Sa qualité d'homme d'affaires aguerri lui a permis de trouver le moyen d'«aligner les intérêts de l'Etat sur les intérêts des opérateurs». Partant d'un besoin de 1,3 million de nouveaux emplois au Maroc sur les dix prochaines années (soit 130 mille emplois chaque année), le Plan d'accélération industrielle table sur un potentiel de 500 mille nouveaux emplois à l'horizon 2020. «Quand nous avions annoncé ce chiffre, tout le monde s'est étonné, y compris du côté des industriels et des opérateurs économiques. Je vous annonce que nous sommes au-delà de 400 mille emplois engagés avec les fédérations sectorielles, dont 150.000 d'ores et déjà créés», révèle le ministre non sans fierté d'avoir réussi, en deux ans ce que le pays a réalisé en dix ans sur le terrain de l'emploi. Elalamy se félicite de l'engouement que connaît aujourd'hui le secteur industriel, attirant de plus en plus d'investisseurs internationaux. «C'est aujourd'hui ou jamais», dit-il, en invitant les opérateurs à tirer profit de la «tectonique des plaques» que connaît l'économie mondiale et des opportunités qui se présentent. «Le Smig en Chine est passé de 100 à 500 dollars et devra atteindre 1.500 dollars dans les cinq prochaines années. Lors d'un récent séjour au Japon, j'ai reçu beaucoup de demandes des investisseurs. Les dirigeants du premier employeur privé au Maroc qui n'est autre que Sumitiomo, m'ont exprimé leur souhait de délocaliser au Maroc 22 des 40 usines qu'ils ont en Chine», annonce MHE. Pour lui, il faut absolument profiter de cette ambiance et c'est maintenant ou jamais. Car, dit-il, cela ne va pas durer. «Quand ça va se calmer dans le monde, les investisseurs vont avoir plus d'affection pour ceux qui ont été touchés par la crise», prévient MHE. Wadie El Mouden Mohamed Abbou : «Tout le monde est satisfait» MHE ne cache pas sa satisfaction du bilan de son mandat. «Nous avons changé de paradigme. Aujourd'hui, le moteur de l'industrie fonctionne et je défie quiconque de venir me prouver le contraire», lança le ministre devant le parterre d'entrepreneurs du parti de la colombe, allusion faite aux chiffres de l'emploi industriel du HCP, lesquels révèlent une perte de 14.000 postes au premier trimestre, 45.000 en 2015 et 32.000 en 2014. Nul doute que MHE a apporté sa touche personnelle au travail du gouvernement. «Nous avons travaillé ensemble sur les réformes cela fait plus de deux ans. Je peux vous dire qu'il a apporté de la valeur ajoutée non seulement pour le RNI, mais surtout pour le pays», nous confie son collègue au gouvernement et au parti, Mohamed Abbou, ministre délégué chargé du Commerce extérieur. Et d'ajouter : «C'est un grand bosseur qui a tracé sa vision, aidé en cela par sa qualité d'ancien patron des patrons qui a réussi ses affaires. Tout le monde est satisfait de son bilan, aussi bien du côté du public que celui du privé». MHE regrette-t-il d'avoir rejoint le rang des politiques en intégrant le RNI et le gouvernement ? «Au contraire», dit-il, en regrettant plutôt de s'être éloigné pendant longtemps de la sphère politique. «Nous devons nous inquiéter et nous intéresser de ce qui se passe autour de nous. Ne pas s'occuper de la chose publique est un danger. Je recommande de rester proche de la politique. Sinon vous risquez de le payer très cher», estime MHE. Mohamed Abbou : MHE a-t-il boudé la CGEM ? L'on s'accorde certes à saluer l'efficacité du ministre Elalamy depuis qu'il a intégré le gouvernement Benkirane. Mais sa méthode de travail n'est pas du tout exempte de reproches. Outre le faible impact perçu de sa stratégie, mesuré en part de PIB industriel, certains opérateurs n'hésitent pas à critiquer son caractère «boudeur», arguant le fait qu'il a mis la CGEM à l'écart de sa feuille de route, préférant travailler et signer directement avec les fédérations concernées par son Plan d'accélération industrielle (PAI). Encore faut-il signaler, ajoute un opérateur industriel, que certaines fédérations n'ont pas voulu jouer le jeu du PAI (plus on s'engage en nombre d'emplois à créer, plus on reçoit de l'aide de l'Etat), et ont dû faire marche arrière, malgré l'insistance du ministre. D'autres fédérations ont fini par accepter le deal en signant des conventions dans le «temps additionnel», pratiquement trois mois avant la fin du mandat du gouvernement Benkirane II, le cas de la fédération des industries métalliques et métallurgiques à titre d'exemple. Autre témoignage appuyant cette qualité de «boudeur» nous émane d'un opérateur de la CGEM, élu à la Chambre des conseillers qui nous dit que le ministre n'a jamais répondu aux convocations des parlementaires, ni lui ni son lieutenant, Mamoune Bouhdoud, le ministre RN-iste chargé du dossier de l'auto-entrepreneuriat.