Paris a annoncé la réduction du nombre de visas accordés aux ressortissants du Maroc, de l'Algérie et de la Tunisie en raison du refus de ces pays du Maghreb de délivrer les laissez-passer consulaires nécessaires au retour des immigrés refoulés de France. Une décision qui n'a aucun fondement. Le durcissement de l'octroi des visas aux ressortissants maghrébins survient à moins de sept mois de la présidentielle en France, en plein débat sur l'immigration, la décision française ne passe pas au Maroc. «Cette décision est injustifiée», a déclaré le chef de la diplomatie marocaine, Nasser Bourita, lors d'une conférence de presse, mardi. Le Maroc a «toujours géré la question migratoire et le flux des personnes avec une logique de responsabilité et d'équilibre», a-t-il observé, ajoutant que l'annonce du gouvernement français ne reflétait pas «la réalité de la coopération consulaire entre les deux pays en matière de lutte contre l'immigration illégale». Selon le journal Le Monde, «depuis plusieurs années, le sujet de l'expulsion des migrants en situation irrégulière crispe les autorités françaises. Selon les chiffres fournis par le ministère de l'intérieur, entre janvier et juillet, l'administration ne serait parvenue à expulser vers le Maroc que 80 ressortissants entrés illégalement, sur les 3 301 obligations de quitter le territoire français délivrées par les préfectures. Un chiffre contesté par Rabat, qui affirme avoir octroyé «400 laissez-passer au profit de personnes en situation irrégulière» au cours des «huit premiers mois de l'année courante». «En France, les procédures d'expulsion restent soumises à des règles strictes. Pour renvoyer vers son pays d'origine une personne en situation irrégulière, il faut d'abord prouver sa nationalité. Or, les migrants concernés dissimulent très souvent leur origine» précise Le Monde. «Ce n'est pas parce qu'on a une tête de Maghrébin qu'on est forcément marocain, algérien ou tunisien ! Et ces pays ne peuvent pas servir de déversoir des autres nationalités dont les Français ne veulent pas. Mais, lorsque la nationalité marocaine, par exemple, est avérée, leurs autorités consulaires délivrent toujours le laissez-passer», assure M'jid El Guerrab, député de la 9e circonscription des Français de l'étranger (Maghreb et une partie de l'Afrique de l'Ouest). «En faisant porter le chapeau aux pays du Maghreb, on déplace le problème : qu'ils soient de bonne volonté ou pas, cela ne changera que partiellement le taux de réalisation des expulsions», explique de son côté le sociologue spécialiste des migrations Mehdi Alioua, interrogé par le quotidien français. «Cette année, un nouvel obstacle s'est ajouté à ces difficultés administratives. Dans le prolongement de la pandémie de Covid-19, le royaume exige désormais un test PCR négatif pour pouvoir accéder à son territoire. Or, beaucoup de personnes en situation irrégulière refusent de s'y soumettre.» L'opinion publique marocaine, selon Le Monde, a fustigé la décision de Paris, annoncée à quelques mois de l'élection présidentielle française, a animé les réseaux sociaux. Le durcissement de l'octroi des visas devrait ainsi toucher de nombreux Marocains qui se rendent régulièrement en France avec un visa Schengen, a-t-on affirmé En 2019, l'administration avait délivré 346 000 visas aux Marocains pour un motif de tourisme, professionnel, de santé ou pour étudier. «C'est une arme très maladroite, qui punit collectivement un pays. Surtout, on ne peut pas comparer ces personnes, qui ont une histoire forte avec la France, et dont ils parlent la langue, à des personnes irrégulières. Il y a là un amalgame racialiste», dénonce toujours Mehdi Alioua. «Chaque refus de visa doit être justifié par un motif préétabli dans une liste. Ils ne vont pas inventer un nouveau motif invoquant la non-collaboration du pays à la lutte contre l'immigration clandestine !», remarque le député M'jid El Guerrab.