Une abstention massive était enregistrée dimanche au deuxième tour des élections régionales et départementales en France, à un niveau quasi-identique à celui, il y a une semaine, du premier tour qui s'était soldé par une claque pour la majorité d'Emmanuel Macron et l'extrême droite à dix mois de la présidentielle. La participation au second tour s'établissait à 27,89% à 17H00 (15H00 GMT), soit un point de plus qu'au premier tour (26,72%) et en chute libre par rapport aux régionales de décembre 2015 (50,54%) et aux départementales de mars 2015 (41,92%), selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Le 20 juin, les deux tiers (66,72%) des quelque 48 millions d'électeurs ne s'étaient pas exprimés, un record pour des élections depuis le début de la Ve République, en 1958. Désamour de la politique ? Week-end estival à l'heure où la France se déconfine ? Message envoyé pour faire changer les institutions ? Les raisons de cette abstention sont diverses. «C'est un peu tout ça à la fois. On voit se parachever une déconnexion entre les électeurs et la classe politique. Et le contexte sanitaire a fait qu'il y a eu peu d'évènements en extérieur, ça a compliqué la communication vis-à-vis de certains publics», selon Jessica Sainty, maîtresse de conférences en sciences politiques à l'université d'Avignon (Sud). «Je viens voter, mais ça ne sert à rien», résume à Strasbourg (est) Hugues Hubert, 66 ans, un retraité du secteur du transport, maillot de foot sur les épaules, et dont aucun des trois enfants ne se déplacera. «Voter pour la présidentielle, d'accord, mais pour les départementales, on ne sait rien. Que vont faire les candidats ? Aucune idée». Lot d'incertitudes Au-delà de la question de la participation, le scrutin de dimanche comporte son lot d'incertitudes sur le résultat dans plusieurs régions et l'analyse qui pourra en être tirée en vue de la présidentielle de 2022. Il y a une semaine, l'extrême droite (Rassemblement National, RN) de Marine Le Pen n'est arrivée en tête que dans une seule région, celle de Provence-Alpes Côte d'Azur (Paca, sud-est), un résultat décevant par rapport aux sondages. En Paca, son candidat Thierry Mariani livre un combat à l'issue incertaine à son rival de droite Renaud Muselier qui devrait bénéficier du retrait de la liste de gauche. S'il s'agit de la seule région où le RN est en position de gagner, une victoire n'en serait pas moins historique puisque l'extrême droite n'a jamais gouverné aucune région. «L'hypothèse d'une victoire de Mariani, même si elle est loin d'être probable, montrerait que le RN peut triompher à peu près seul de la coalition de tous les autres et qu'il peut accéder à un exécutif puissant d'une région moderne et ouverte vers le monde», note Jérôme Sainte-Marie, le président de l'institut de sondage PollingVox. Du côté de la majorité présidentielle (La République en marche, LREM), la journée sera maussade car le parti d'Emmanuel Macron ne peut même pas espérer gagner dans une seule des 13 régions. «La République en Marche manque d'implantation locale, mais en 2017 cela ne l'a pas empêchée de gagner la présidentielle et les législatives», rappelle Jessica Sainty. Alors qui sera le vainqueur de ces régionales ? Probablement les partis «traditionnels», qui avaient un peu disparu du paysage médiatique ces dernières années, l'élection surprise du centriste Emmanuel Macron à la présidence en 2017 ayant grignoté tant l'électorat de droite que de gauche. La droite est en bonne position pour conserver les six régions qu'elle gouverne déjà. En face, des alliances entre écologistes, socialistes et Insoumis (extrême gauche) devraient permettre à la gauche de remporter plusieurs régions. En Ile-de-France, la région de Paris, où la présidente sortante, Valérie Pécresse, de la droite traditionnelle, arrivée en tête le 20 juin, fait face ce dimanche à une alliance écologistes, socialistes et extrême-gauche. Le RN et LREM sont également présents mais étaient arrivés loin derrière. Ce retour en force du clivage gauche/droite doit toutefois être analysé avec prudence et rien ne dit que le duel Macron/Le Pen pour la présidentielle que prédisent tous les sondeurs sera remis en cause. «Les partis traditionnels bénéficient du grand maillage territorial qu'ils ont maintenu. Le clivage gauche/droite persiste au niveau des institutions locales mais n'a pas de traduction pour l'instant au niveau national», précise Jérôme Sainte-Marie. D'autant que gauche et droite n'ont pas de chef de file incontestable et que ceux qui ambitionnent de concourir pour 2022 sont nombreux.