Les Français votaient dimanche au second tour des élections régionales, une semaine après un premier tour marqué par une abstention record et une claque pour la majorité d'Emmanuel Macron et l'extrême droite. Les bureaux de vote ont ouvert à 08H00 (06H00 GMT) et tous les regards se tournent vers le niveau de participation. «Ne pas voter c'est un déni de démocratie», estime Thierry, un septuagénaire dans un bureau de vote de Marseille (sud). «Je trouve dommage l'abstention du premier tour, mais peut-être que les jeunes ont besoin d'alternative...», avance-t-il. Quelque 48 millions d'électeurs sont appelés aux urnes avec un protocole sanitaire toujours strict face à l'épidémie de Covid-19, en net recul mais sous la menace du variant Delta. Au premier tour, plus de deux électeurs sur trois (66,72%) ne se sont pas déplacés, un record pour une élection depuis le début de la Ve République, en 1958. Désamour de la politique? Week-end estival à l'heure où la France se déconfine? Message envoyé pour faire changer les institutions? Les raisons de cette abstention sont diverses. «C'est un peu tout ça à la fois. On voit se parachever une déconnexion entre les électeurs et la classe politique. Et le contexte sanitaire a fait qu'il y a eu peu d'évènements en extérieur, ça a compliqué la communication vis-à-vis de certains publics», selon Jessica Sainty, maîtresse de conférences en science politique à l'université d'Avignon (Sud). Toute la semaine, la plupart des partis politiques se sont émus de ces chiffres record et ont envisagé quelques changements. Plusieurs cadres de la majorité, dont le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, se sont dits favorables au vote électronique dans le futur tandis qu'à court terme d'autres misaient sur une campagne «éclair» sur les réseaux sociaux pour inciter les électeurs à se déplacer dimanche. La tâche est ardue: selon un sondage publié jeudi, seuls 36% des Français comptent aller aux urnes pour le second tour. Lot d'incertitudes Au-delà de la question de la participation, le scrutin de dimanche comporte son lot d'incertitudes dans plusieurs régions. Dimanche dernier, l'extrême droite (Rassemblement National, RN) de Marine Le Pen n'est arrivée en tête que dans une seule région, Provence-Alpes Côte d'Azur (Paca, sud-est), un résultat décevant par rapport aux sondages qui l'annonçaient devant dans plusieurs territoires. En Paca, son candidat Thierry Mariani livrera un duel serré face à son rival de droite Renaud Muselier qui devrait bénéficier du retrait de la liste de gauche. S'il s'agit de la seule région où le RN est en position de gagner, une victoire n'en serait pas moins historique puisque l'extrême droite n'a jamais gouverné de région. «L'hypothèse d'une victoire de Mariani, même si elle est loin d'être probable, montrerait que le RN peut triompher à peu près seul de la coalition de tous les autres et qu'il peut accéder à un exécutif puissant d'une région moderne et ouverte vers le monde», note Jérôme Sainte-Marie, président de l'institut de sondage PollingVox. Du côté de la majorité présidentielle, la journée sera maussade car le parti d'Emmanuel Macron ne peut espérer gagner, même une seule des 13 régions. Malgré plusieurs ministres en campagne, de nombreuses listes n'ont même pas atteint les 10% nécessaires pour se maintenir au second tour. «La République en Marche manque d'implantation locale, mais en 2017 cela ne les a pas empêchés de gagner la présidentielle et les législatives», rappelle Jessica Sainty. Alors qui va ressortir gagnant de ces régionales ? Probablement les partis «traditionnels», qui avaient un peu disparu du paysage médiatique ces dernières années, bouleversés par l'élection surprise du centriste Emmanuel Macron à la présidence en 2017 qui a grignoté tant l'électorat de droite que de gauche. La droite est en bonne position pour conserver les six régions qu'elle gouverne déjà, même si ce sera probablement très serré en Ile de France (région parisienne), ou en Paca (sud-est). En face, des alliances entre écologistes, socialistes et Insoumis (extrême gauche) devraient permettre à la gauche de remporter plusieurs régions. Mais ce retour en force du clivage gauche/droite doit être analysé avec prudence et rien ne dit que le duel Macron/Le Pen pour la présidentielle 2022 que prédisent tous les sondeurs sera remis en cause. «Les partis traditionnels bénéficient du grand maillage territorial qu'ils ont maintenu. Le clivage gauche/droite persiste au niveau des institutions locales mais n'a pas de traduction pour l'instant au niveau national», précise Jérôme Sainte-Marie.