Le gouvernement algérien a décidé de «bouger à toute vitesse» pour contrer les répercussions de la crise sanitaire sur son économie, déjà alourdie par des déséquilibres structurels qui se sont aggravés depuis 2014 à la suite de la crise pétrolière mondiale. Depuis son entrée en fonction, l'administration du président algérien Abdelmadjid Tebboune est confrontée à ce que l'on appelle la «trinité destructrice», et qui est liée à la corruption de l'ancien régime, à la pandémie de coronavirus et à la baisse des prix du pétrole dans les marchés mondiaux. De grosses pertes Depuis 2019, la justice algérienne suit les affaires de corruption du régime du président déchu Abdelaziz Bouteflika. Les procès ont révélé «une partie» de l'ampleur de la prédation économique dont sont responsables d'anciens Premiers ministres, ministres et hommes d'affaires, lesquels ont encouru au Trésor public des pertes «initiales» de plus de 20 milliard de dollars dans des installations automobiles étrangères. Covid-19 frappe le dinar algérien La pandémie de la Covid-19 a aggravé les troubles de l'économie algérienne, ses pertes depuis mars atteignant 8,4 milliards de dollars, selon les statistiques officielles, dans plusieurs secteurs, notamment le pétrole, la santé, la banque, l'aviation, l'irrigation, le tourisme et l'hôtellerie. Cela s'est traduit par une forte baisse des réserves de change du pays, qui sont tombées à 57 milliards de dollars au cours des sic premiers mois de cette année, selon la présidence algérienne. Celle-ci atteindra 44 milliards de dollars à la fin de cette année. La valeur du dinar a également diminué par rapport aux principales devises dans les banques officielles, et le produit intérieur brut a diminué de 3,9%, avec des craintes selon lesquelles le taux de chômage augmentera d'ici la fin de l'année pour atteindre environ 20%, le taux le plus élevé que le pays ait enregistré depuis plus de trois décennies. Le Premier ministre algérien Abdelaziz Jarad a reconnu la « gravité de la situation » que traverse l'économie de son pays, la qualifiant de « crise sans précédent » et l'attribuant à « la crise structurelle des gouvernements précédents, l'effondrement des prix du pétrole et la crise sanitaire ». Actions de sauvetage Malgré les chiffres officiels sur l'ampleur des fortes pressions que subit l'économie de ce pays producteur de pétrole, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a exprimé son optimisme sur le fait que son pays pourrait dépasser le marasme économique. Il a attribué cela à la « correction rapide » du budget 2020 par son gouvernement avec des budgets complémentaires qui reposaient sur un prix de référence du pétrole à 30 dollars le baril, après que le gouvernement précédent l'ait fixé à 50 dollars, contre des prix proches de 44 dollars le baril, un indicateur que Tebboune jugeait « confortable ». Au cours des deux derniers mois, Abdelmadjid Tebboune a annoncé plusieurs décisions économiques, qui, selon la présidence, visent à «sortir l'économie du pays du goulot d'étranglement» à travers un plan audacieux appelé «reprise économique», qui est le projet sur lequel repose le gouvernement de Tebboune pour économiser 20 milliards de dollars. Investissement et exportations Parmi les décisions les plus marquantes figurent le transfert de 10 à 12 milliards de dollars de réserves de change au profit du financement des investissements ainsi que des modifications de la loi sur l'investissement pour attirer les capitaux étrangers dans plusieurs secteurs, dont certains seront ouverts pour la première fois aux particuliers comme le transport aérien et maritime. Le gouvernement algérien compte également porter les exportations hors hydrocarbures du pays à 5 milliards de dollars et réduire la dépendance à l'égard des revenus pétroliers à environ 80%. Il souhaite aussi reconsidérer les accords économiques bilatéraux, notamment avec l'Union européenne et la zone arabe de libre-échange, et revoir la balance commerciale de l'Algérie avec plusieurs pays, afin de réduire les pertes du déficit de la balance commerciale, qui est d'environ 30 milliards de dollars. L'Algérie a également commencé à puiser dans d'autres réserves et ressources énergétiques et minérales inexploitées pour y investir, notamment l'or, les phosphates, le cuivre, le fer et autres, pour la première fois de son histoire, et ouvrir la voie à des partenariats majeurs pour les investisseurs étrangers dans la plupart des mines du pays. Il a également été décidé de commencer à exploiter la mine de fer dans la région de «Ghar Jbailat» du gouvernorat de Tindouf (sud-ouest) ainsi que la mine de zinc et de plomb dans l'«Oued Amizour» dans le gouvernorat de Bejaia (est), et un autre projet de phosphate dans l'état de Tebessa (est), tout en autorisant également des investisseurs locaux à exploiter des mines d'or dans la région du «Gant» (extrême sud). Tebboune a aussi annoncé la suspension des importations de carburants et de matières raffinées au cours du premier trimestre 2021 pour stimuler la production locale et réduire la facture d'importation, ce qui pourrait permettre d'économiser environ 3 milliards de dollars. Le président algérien a décidé de préparer un bilan complet et approfondi du géant pétrolier «Sonatrach», de limiter ses prérogatives, de réduire le nombre de ses bureaux et employés à l'étranger, et de réduire les postes de responsabilité tout en baissant son budget de 50% pour économiser sept milliards de dollars qui seront versés au Trésor public. Le cabinet algérien a également décidé de réorganiser plusieurs domaines dont l'industrie automobile, les industries électromécaniques, la production de pièces détachées et leur importation pour stimuler l'investissement local. Le président algérien a ordonné à son gouvernement de récupérer les réserves d'or locales, gelées au niveau des douanes depuis plus de 4 décennies, dans les ports et aéroports, et de les inscrire comme réserves nationales locales. Le système bancaire En plus de préparer un plan de réforme du système bancaire du pays, le gouvernement algérien a appelé la population à s'orienter vers la banque islamique après avoir proposé neuf produits financiers en vue d'attirer les capitaux des Algériens déposés hors des banques d'État, et d'intégrer l'économie informelle et le marché parallèle dans le système financier. L'un des défis les plus importants sur lesquels l'administration Tebboune parie la récupération des fonds détournés par des symboles de l'ancien régime, en particulier après les jugements rendus contre un grand nombre d'entre eux pour confisquer leurs propriétés en Algérie ou à l'étranger, alors que l'on s'attend à ce qu'environ 60 milliards de dollars de biens immobiliers, d'argent et d'entreprises soient récupérés.