Washington dénonce l'enquête pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Afghanistan et les enquêtes contre Israël pour crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Après des mois de menaces et à moins de neuf semaines de la présidentielle aux Etats-Unis, l'administration de Donald Trump a mis sa menace à exécution contre Fatou Bensouda, la procureur de la Cour pénale internationale (CPI), en imposant des sanctions économiques inédites contre elle. «Aujourd'hui, nous passons de la parole aux actes», a déclaré, mercredi 2 septembre, le chef de la diplomatie américaine, Mike Pompeo, «car la CPI continue malheureusement de viser des Américains». Il a annoncé l'inscription sur la liste noire des Etats-Unis de Fatou Bensouda et de Phakiso Mochochoko, directeur de la division de la compétence, de la complémentarité et de la coopération de la CPI, qui siège à La Haye, aux Pays-Bas. Leurs éventuels avoirs aux Etats-Unis seront gelés et l'accès au système financier américain leur est barré. «Tout individu ou entité qui continuera à assister matériellement ces individus s'expose également à des sanctions, a prévenu Mike Pompeo lors d'une conférence de presse. Nous ne tolérerons pas les tentatives illégitimes de la CPI pour soumettre les Américains à sa juridiction.» Sanctions en juin Déjà engagé dans une offensive sans précédent contre la CPI, le président américain, Donald Trump, avait autorisé en juin des sanctions économiques contre ses responsables pour dissuader la juridiction de poursuivre des militaires américains pour leur implication dans le conflit en Afghanistan. Washington avait auparavant déjà interdit d'entrée aux Etats-Unis des responsables de la Cour et révoqué le visa américain de Fatou Bensouda. En juin, la CPI avait déploré «une série d'attaques sans précédent» à son encontre, soulignant son indépendance. Dans un communiqué, mercredi soir, la CPI a condamné «ces actes coercitifs, dirigés contre une institution judiciaire internationale et ses fonctionnaires, [ils] sont sans précédent et constituent de graves attaques contre la Cour, le système de justice pénale internationale du statut de Rome et l'état de droit en général». Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, s'est lui borné à «prendre acte» des sanctions américaines, assurant «suivre de près les développements de ce dossie », selon son porte-parole. Ces mesures punitives «constituent une perversion ahurissante des sanctions américaines, censées pénaliser ceux qui violent les droits humains et les kleptocrates, utilisées ici pour persécuter ceux qui sont chargés de juger les crimes internationaux», a réagi Richard Dicker, de l'organisation non gouvernementale Human Rights Watch. Amnesty International a condamné «une nouvelle attaque éhontée contre la justice internationale». «Les actes de la Maison Blanche risquent de dissuader les rescapés de violations des droits humains de réclamer justice», «ce qui est ubuesque», a critiqué Daniel Balson, l'un des dirigeants de cette organisation, accusant l'administration Trump de pratiquer «le harcèlement et l'intimidation». Guerre en Afghanistan depuis 20 ans Washington ne décolère pas contre la décision prise en appel en mars d'autoriser l'ouverture d'une enquête pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité en Afghanistan malgré l'opposition de l'administration Trump. L'enquête souhaitée par la procureure Bensouda vise entre autres des exactions qui auraient été commises par des soldats américains dans le pays où les Etats-Unis mènent depuis 2001 la plus longue guerre de leur histoire. Des allégations de torture ont également été formulées à l'encontre de la CIA. Les juges de la CPI avaient dans un premier temps refusé d'autoriser cette enquête après une première menace de sanctions inédite de Washington, qui n'est pas membre de cette juridiction, à la différence de Kaboul. L'opposition farouche du gouvernement américain concerne aussi les enquêtes «motivées politiquement» contre Israël, qui pourrait faire l'objet d'investigations pour crimes de guerre en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. La Cour est régie par le statut de Rome, un traité entré en vigueur en 2002 et ratifié depuis par plus de 120 pays. C'est l'une des principales incarnations du multilatéralisme honni par le président Trump et la frange souverainiste du camp conservateur américain.