Si les relations entre les Etats-Unis et la Cour Pénale Internationale n'ont jamais été sereines principalement depuis l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche, force est de reconnaître qu'aujourd'hui le torchon brûle entre les deux ; Washington reprochant à la CPI d'être à la solde de «puissances étrangères». « Nous ne pouvons pas rester les bras croisés pendant que nos gars sont menacés par un tribunal-bidon et nous ne le ferons pas» a déclaré Mike Pompeo, le secrétaire d'Etat américain aux Affaires étrangères, après qu'un communiqué de la Maison Blanche ait annoncé, ce jeudi, que «le président a autorisé des sanctions économiques contre les responsables de la Cour Pénale Internationale qui prendraient part directement à tout effort pour enquêter sur des militaires américains ou pour les inculper sans le consentement des Etats-Unis». Pour rappel, bien qu'ayant signé, en 2000, le «Statut de Rome» portant création de la Cour Pénale Internationale, Washington ne l'a jamais ratifié comme l'ont fait 120 autres pays et s'en est même retiré en 2002, sous l'impulsion du président George W. Bush. Mais ce retrait n'avait pas, pour autant, empêché la CPI, dans un rapport élaboré en 2016, d'accuser clairement l'armée américaine de commettre des actes de torture dans des lieux de détention secrets en Afghanistan gérés par la CIA et, malgré l'opposition de l'administration Trump, d'autoriser, en 2020, l'ouverture d'une enquête pour les «crimes de guerre et crimes contre l'humanité» qui auraient été commis en Afghanistan où l'armée américaine est présente depuis 2001. Il n'en fallait pas plus pour faire sortir de ses gonds un Donald Trump qui a déclaré que «les Etats-Unis continueront à avoir recours à tous les moyens nécessaires pour protéger leurs citoyens ... contre des inculpations injustes». Peu de temps auparavant, la Maison Blanche avait émis des mesures de restriction de visa contre Fatou Bensouda, la procureure-en-chef de la CPI, au moment-même où cette dernière se préparait à se rendre aux Etats-Unis pour enquêter sur ce dossier et étendu ces mesures à d'autres responsables de la CPI et à leurs proches. Dénonçant l'existence, au sein de la CPI, d'une «corruption (aux) plus hauts niveaux», Washington considère que «les actes de la Cour Pénale Internationale constituent une attaque contre les droits du peuple américain et menacent d'empiéter sur (sa) souveraineté nationale». Mais l'opposition de la Maison Blanche ne se limite pas à la seule enquête diligentée par la CPI en Afghanistan car il est très clair que le Tribunal de La Haye qui entend, également, mener ses investigations en Cisjordanie et dans la bande de Gaza reste, aux yeux de Washington, une cour «politisée» qui mène «une chasse aux sorcières contre Israël et les Etats-Unis (mais) ferme les yeux sur les pires fossoyeurs des droits humains au monde parmi lesquels le régime terroriste en Iran». Accusant, de son côté, «des puissances étrangères comme la Russie (de) manipuler (la CPI) pour servir leurs propres intérêts» Bill Barr, le ministre américain de la Justice, a déclaré que « les Etats-Unis continueront à avoir recours à tous les moyens nécessaires pour protéger leurs citoyens et (leurs) alliés contre des inculpations injustes». Mais en déplorant les «attaques sans précédent » perpétrées à l'encontre du Tribunal de La Haye par les Etats-Unis dans «une tentative inacceptable de porter atteinte à l'Etat de droit et aux procédures judiciaires de la Cour», le juge O-Gon Kwon, président de l'assemblée des Etats parties de la CPI, a rejeté ces sanctions au motif qu'elles entraveraient l'effort déployé par cette institution « pour combattre l'impunité». Et si, pour le chef de la diplomatie européenne, Josep Borell, les «sanctions américaines» contre la CPI sont «un sujet de très grande préoccupation», elles viseraient, selon Andrea Prasow de l'ONG Human Rights Watch, «à nier toute justice pour les victimes de crimes graves en Afghanistan, en Israël ou en Palestine». Invitant, enfin, Washington à revenir sur sa décision et dénonçant «une attaque grave contre la Cour (...) et, au-delà, une remise en cause du multilatéralisme et de l'indépendance de la justice», le chef de la diplomatie française a saisi cette occasion pour réitérer le «plein soutien » de Paris à la CPI en tant qu'unique «juridiction pénale internationale permanente et à vocation universelle». Ces condamnations ramèneront-elles Washington à de meilleurs sentiments envers une institution pénale internationale mise en place par la communauté internationale à l'effet de sanctionner le non-respect des droits de l'Homme ? Rien ne l'indique pour l'heure mais attendons pour voir...