Le président américain considère le vote par courrier comme la «plus grande fraude électorale de l'histoire» et craint que cela lui coûte sa réélection. Barack Obama a dénoncé une «tentative pour saper l'élection» de son successeur. Donald Trump ne souhaite pas faciliter le vote par correspondance. Alors que les démocrates plaident pour un plan de soutien de 25 milliards de dollars (21 milliards d'euros) pour gérer la crise du coronavirus, dont une partie serait allouée à la poste américaine (USPS, pour United States Postal Service), le président américain a expliqué sur Fox Business Network, jeudi 13 août, pourquoi il s'y opposait. «Ils veulent 3,5 milliards de dollars pour quelque chose qui s'avérera frauduleux. C'est essentiellement de l'argent pour les élections», a déclaré Donald Trump, qui reconnaît ouvertement que restreindre l'action du service postal, y compris en limitant ses ressources avant l'élection présidentielle, aurait un impact sur les démarches de vote par correspondance. A la traîne dans les sondages pour rester à la Maison Blanche, Trump a lancé une campagne de dénigrement contre le vote par correspondance, dont il craint qu'il ne favorise Joe Biden. Pour son adversaire démocrate, c'est « du pur Trump. Il ne veut pas d'élections. » L'ancien président Barack Obama a lui aussi critiqué les «tentatives pour saper l'élection » de son successeur, affirmant sur Twitter vendredi que le gouvernement actuel était « plus préoccupé par la suppression des votes que par celle d'un virus». Selon le New York Times, 76 % des Américains pourraient voter par correspondance en novembre prochain lors de cette élection afin d'éviter de prendre des risques en pleine crise sanitaire dûe à l'épidémie de Covid-19. Ce qui représenterait près de 80 millions de bulletins envoyés par courrier. Un sondage d'ABC News/Washington Post publié en juillet a montré que 78 % des partisans du président considèrent les bulletins de vote par correspondance comme «vulnérables à des niveaux de fraude importants». Un autre sondage du Pew Research Center a lui montré, le mois dernier, que 83 % des démocrates approuvaient le vote par correspondance, contre seulement 44 % des républicains. Selon cette étude, seuls 17 % des partisans de Donald Trump prévoient de voter par courrier, contre 66 % des électeurs de Joe Biden. Selon le Washington Post, la poste américaine a envoyé des lettres datées du 29 juillet à des responsables électoraux de la plupart des Etats du pays, pour prévenir que, même si les électeurs respectaient les délais impartis dans leur juridiction, l'USPS ne pourrait pas garantir la livraison à temps des bulletins de vote, qui ne seraient ainsi, pas pris en compte. De son côté, le directeur des services postaux américains, Louis DeJoy, assure malgré tout que l'USPS peut gérer le flux de courrier électoral de cette année : «Bien qu'il y ait probablement une augmentation sans précédent du volume de courrier électoral en raison de la pandémie, le service postal a largement la capacité de livrer tout le courrier électoral en toute sécurité et à temps, conformément à nos normes de livraison, et nous le ferons». Dans un article consacré à cette tentative d'entrave au vote par correspondance, le New York magazine prévient que «la diabolisation du vote par correspondance par Trump pourrait créer une crise en novembre si les retards qui submergent actuellement les bureaux de poste du pays entraînent une privation massive du droit de vote et si les bulletins de vote par correspondance n'arrivent pas à temps.» Les déclarations de Donald Trump confirment son opposition farouche au vote par correspondance, qu'il voit comme la «plus grande fraude électorale de l'histoire». En mars, le président américain avait déjà déclaré sur Fox News qu'il craignait ainsi un risque de participation tel que «vous ne feriez plus jamais élire un républicain dans ce pays». Et les tentatives se multiplient pour limiter le vote à distance dans des Etats qui pourraient s'avérer décisifs dans le résultat de l'élection. Dans l'Iowa – que le candidat républicain a remporté facilement en 2016 mais qui est plus disputé cette année –, un procès a été intenté, mercredi, contre deux comtés à tendance démocrate, dans le but d'invalider des dizaines de milliers de demandes de vote par correspondance. Cela fait suite à des manœuvres juridiques en Pennsylvanie, où le camp républicain espère changer la façon dont l'Etat collecte et compte les bulletins de vote par courrier. Dans le Nevada, Trump conteste une loi qui permet d'envoyer des bulletins de vote à tous les électeurs. Ces démarches ne sont pas toujours couronnées de succès. La Cour suprême des Etats-Unis a rejeté, jeudi, les demandes des républicains qui avaient contesté un accord dans le Rhode Island autorisant les résidents à voter par courrier sans obtenir la signature de deux témoins ou d'un notaire. Selon le directeur des services postaux américains, l'USPS est dans une situation financière intenable. M. DeJoy, qui a été installé à ce poste le 6 mai 2020 par Donald Trump, dont il est un partisan et donateur, a mis en œuvre une réorganisation de l'agence postale et une réduction des coûts qui, selon les démocrates, auraient pour effet de ralentir la distribution du courrier. Selon le New York Magazine, depuis que la direction des opérations du service postal a été transformée, «vingt-trois cadres de l'USPS ont été réaffectés ou déplacés dans un effort apparent pour donner à DeJoy plus de pouvoir sur les opérations.» Pour le président de la sous-commission de la Chambre des Représentants qui supervise l'USPS, «ce changement est un sabotage délibéré». Pour Donald Trump, le combat électoral se joue donc autant dans les urnes que dans les boîtes aux lettres. Paradoxalement, le président américain – qui déclare son lieu de résidence légale dans la station balnéaire de Mar-a-Lago –, a demandé un bulletin de vote par correspondance pour des élections locales de Floride, prévues mardi. Sa femme et lui-même ont déjà voté à distance lors de la primaire républicaine de Floride, en mars.