En réponse au choc économique induit par la pandémie du coronavirus, le GPBM (Groupement professionnel des banques du Maroc) a promis la mise en place d'une série de mesures, notamment le rééchelonnement des échéances bancaires, sans frais supplémentaires ni pénalités. Une promesse que la majorité des banques n'a pas honorée. Scandaleux ! Alors que le secteur bancaire a annoncé sa mobilisation pour soutenir les ménages et les entreprises face aux conséquences de la pandémie du coronavirus, les clients ont été surpris par le manque de transparence et de rigueur dans l'exécution du report des échéances. Face à cette situation, le département de la supervision bancaire de Bank Al-Maghrib a adressé une circulaire au GPBM. Plusieurs entreprises et ménages ont dénoncé la réticence des banques à financer les mesures du plan gouvernemental de soutien au secteur social et économique. En effet, les banques ont augmenté leurs marges et la tarification des emprunts et ont décidé de refondre leur appréciation des risques. De plus, le montant du report des échéances de crédits a été étalé avec des intérêts sur toutes les mensualités qui restent à payer. Par ailleurs, les crédits ont été débités par certaines banques alors que celles-ci ont reçu des demandes de report des paiements. Reporter oui, mais en acceptant de payer des frais supplémentaires ! Sur les réseaux sociaux, plusieurs clients reprochent à leurs banques d'avoir débité les mensualités-crédit alors qu'ils ont déjà rempli le formulaire proposé par la banque pour demander un report d'échéances bancaires tout au long de cette crise. Contacté par Barlamane.com/fr, un des clients de Société générale affirme avoir présenté à son agence tous les documents nécessaires attestant que son entreprise est en difficulté et que son Chiffre d'affaires a baissé de plus de 50%. Il a, en outre, rempli en ligne la demande de report échéance de crédit, pour procéder à la suspension des échéances au titre de son crédit pour une durée de 3 mois avec maintien de la même durée mais il y a une augmentation de l'échéance. Et ce, même si toutes les banques doivent, en principe, différer, uniquement sur demande du client, les échéances des crédits amortissables et de leasing jusqu'au 30 juin 2020 à partir de celle du mois de mars, sans frais ni pénalité. Toutefois, il a été surpris par la décision de la banque de lui prélever le montant de la mensualité-crédit au titre du mois de mars. Soulignons que le formulaire proposé par cette banque propose aux clients, souhaitant bénéficier d'un rééchelonnement de crédits, deux options : soit un report de 3 mois avec maintien de la même durée et une augmentation de l'échéance ou bien un report de 3 mois en gardant la même mensualité et en augmentant la durée. De plus, en signant le formulaire proposé par SG, les clients déclarent automatiquement « accepter de façon irrévocable et inconditionnelle toutes les modifications résultant de cette suspension qui impacteront le tableau d'amortissement afférent audit crédit notamment le montant de l'échéance, le capital restant dû et les intérêts ». Même son de cloche du côté de CIH Bank, Attijariwafa bank, CFG Bank et Bank of Africa. Pour tous ses clients particuliers, professionnels, TPE et entreprises, dont les revenus ou les activités ont été impactés par la situation actuelle, les quatre banques offrent la possibilité de demander le report des échéances de crédit jusqu'au 30 juin 2020. Et ce, en maintenant la durée initiale du crédit avec changement du montant de l'échéance ou en maintenant le montant de l'échéance tout en optant pour extension de la durée du crédit. Dans ce cadre, les clients des banques ne sont pas correctement informés sur la remise du tableau d'amortissement ni ses modalités ni sur le fait que la remise du tableau d'amortissement est effectuée à leur demande expresse à l'expiration de la période du report. D'autres banques proposent un report automatique sans frais additionnels ni pénalités De son côté, la Banque populaire (BP) a annoncé le report jusqu'au 30 juin 2020 des échéances fixes et ce, sans pénalités de retard et d'une ligne additionnelle de trésorerie, sous forme de crédit in fine à échéance au 31 décembre 2020. Il s'agit d'une ligne destinée à couvrir jusqu'à 3 mois de charges courantes, à savoir le versement des salaires, le règlement des fournisseurs, le paiement de loyer … Ce prêt est couvert exclusivement par la garantie de la Caisse centrale de garantie « Damane Oxygène ». La BP a mis à la disposition de ses clients le centre de relation client ainsi que des canaux et services digitaux pour leur permettre de faire leurs demandes. Toutefois, plusieurs clients ont remarqué que le traitement des demandes n'a pas pris en considération le report du mois de mars. En ce qui concerne Crédit Agricole, les populations vulnérables, telles que celles qui ont contracté un crédit Fogarim, les petits agriculteurs, les petits artisans et commerçants bénéficieront d'un report automatique des échéances de mars, avril, mai et juin, sans frais additionnels ni pénalités. La banque annonce que si l'échéance de mars a déjà été perçue, elle pourra être extournée à la demande. Quant aux salariés bénéficiant de la CNSS et ceux qui exercent des professions impactées par la crise, il fait qu'ils demandent un report, sans frais ni pénalités à travers les canaux disponibles : par l'application mobile, par courrier ou directement à l'agence. Dans le même contexte, Crédit du Maroc, BMCI, et Al Barid Bank indiquent que les reports d'échéances s'effectueront sans coût supplémentaire dans des conditions bien précises. Ainsi, tout détenteur d'un crédit immobilier Fogarim bénéficiera systématiquement du report d'échéances sans avoir à déposer de demande auprès de la banque. Tout bénéficiaire des aides du fonds spécial pour la gestion du covid-19 suite à la perte de revenus bénéficiera également du report d'échéances s'il en fait la demande. Pourquoi les banques et les établissements de crédits ne s'alignent-ils pas pour converger dans le sens de l'allégement des procédures ? Passe d'armes entre la CGEM et le GPBM Rappelons que le non-respect des banques aux mesures annoncées par le GPBM et le CVE (Comité de veille économique) a été précédemment dénoncé par le Président du patronat, Chakib Alj, dans un courrier envoyé aux acteurs du secteur bancaire. Il avait observé « des écarts et des situations en décalage avec ces principes. L'impact de ces écarts, s'ils ne sont pas rattrapés, pourrait être fatal à de très nombreuses entreprises, pourtant aptes à retrouver leur rythme de croisière après cette crise ». Une réaction qui n'est pas passée inaperçue par le GPBM qui a indiqué dans sa réponse à Alj que le contenu et le ton de sa lettre « sont pour le moins inadmissibles » et que ses attaques et allégations contre le secteur bancaire marocain « sont dénués de tout fondement ». Toutefois, il semble que la Banque centrale a constaté les mêmes réticences des banques relevées à la fois par la CGEM et les clients des banques sur les réseaux sociaux. « Les banques doivent octroyer, en plus des moratoires sur les crédits en cours, des crédits de trésorerie supplémentaires pour les TPME » Soulignons que le Wali de Bank Al-Maghrib a indiqué dans une déclaration à la presse que la baisse, voire l'arrêt de l'activité de certaines entreprises, affectera leurs flux de trésorerie et leur capacité à assurer le paiement des salaires et des fournisseurs. Dans ce cadre, les banques doivent octroyer, en plus des moratoires sur les crédits en cours, des crédits de trésorerie supplémentaires pour les TPME en difficulté. Ainsi, des échanges avec les représentants du secteur bancaire ont été programmés afin d'examiner les modalités de refinancement par Bank Al-Maghrib des crédits à octroyer en soutien aux entreprises affectées par la crise covid-19. Sur le plan de la gestion du risque de crédit, les banques bénéficient de garanties supplémentaires qui seront mises en place par la CCG en couverture des crédits octroyés aux TPME connaissant des difficultés. Pour rappel, les banques ont annoncé la mise en œuvre, dès le 30 mars dernier, des mesures très attendues par les ménages et les entreprises touchés par la crise née de la pandémie de coronavirus. Ainsi, les banques devaient différer, uniquement sur demande du client, des échéances des crédits amortissables et de leasing jusqu'au 30 juin 2020 à partir de celle du mois de mars, sans frais ni pénalité. De plus, et afin de permettre aux entreprises de disposer de la trésorerie nécessaire, ces entités peuvent bénéficier de lignes de crédit additionnelles de fonctionnement couvrant jusqu'à 3 mois de dépenses courantes et dans les conditions du produit Damane Oxygène garanti par la CCG. Le taux d'intérêt calculé sur ces lignes de crédit additionnelles de fonctionnement est fixé au taux de refinancement de Bank Al-Maghrib majoré de 200 points de base.