Bien que les Marocains soient encore peu nombreux à porter plainte contre les pots-de-vin, les cas de corruption dénoncés à l'association Transparency ont dépassé en 9 mois ceux enregistrés durant toute l'année précédente. Les trois Centres d'assistance juridique anti-corruption (Cajac) ont traité 678 plaintes du 1er janvier au 31 août 2012, contre seulement 547 plaintes en 2011, année où le Maroc avait occupé la 80ème place sur 183 pays en ce qui concerne l'indice de perception de la corruption de Transparency International. Cette année donc, les choses ne semblent pas s'améliorer quoique l'actuel gouvernement déclare mettre au centre de son programme la lutte contre la corruption. Selon le dernier rapport du Cajac, le nombre de réclamations entre le 1er mai et le 31 août a atteint 297 (Rabat 208, Nador 47 et Fès 42). Ces plaintes concernent particulièrement les services des autorités locales, la santé, la justice, la police et la gendarmerie. Services avec lesquels les populations ont le plus de contact mais vis-à-vis desquels ils nourrissent une véritable méfiance. Par ailleurs sur les 2.247 plaintes reçues depuis l'ouverture de ces trois centres, 849 dossiers ont été ouverts. Et selon Mohamed Ali Lahlou, directeur du Cajac, le taux des dossiers ouverts a enregistré une augmentation, passant de 18 à 20%. «Ceci s'explique davantage par une meilleure identification de la nature des plaintes par le Cajac qui ne traite que celles pour lesquelles le plaignant a fourni des informations ou des documents rendant vraisemblable la corruption», a précisé à ALM M. Lahlou. Mais, ces chiffres reflètent-ils vraiment l'ampleur du phénomène de la corruption au Maroc, sachant que les plaintes reçues par l'Instance centrale de prévention de la corruption ne sont guère plus conséquentes? Pas réellement, répondent les responsables de Transparency. D'abord, la couverture territoriale du Cajac reste limitée et puis les plaintes ne concernent que des personnes qui connaissent le Cajac et qui ont le courage et les moyens de dénoncer la corruption. Plus encore, «les plaignants craignent souvent des mesures de rétorsion de la part des autorités dénoncées. La nouvelle loi sur la protection des témoins, victimes et dénonciateurs de la corruption, tout en étant incomplète et mal connue, risque par ailleurs de les décourager étant donné que, s'ils ne parviennent pas à établir la véracité des faits qu'ils dénoncent, ils sont exposés à des peines très lourdes. Preuve en est les poursuites entamées dernièrement contre des fonctionnaires ayant dénoncé des dysfonctionnements constatés au ministère des finances», a souligné M. Lahlou. Par ailleurs, sur les 31 correspondances envoyées aux autorités concernées durant le dernier trimestre, le Cajac n'a reçu que 7 réponses, «ce qui reste très faible et démontre le peu de réceptivité des administrations concernées», estime M. Lahlou. Quant à la qualité des réponses fournies par ces administrations, elle reste discutable. Selon le directeur du Cajac, certains demandent des compléments d'informations qui pourraient nuire au caractère confidentiel de la plainte. D'autres informent que des mesures ont été prises sans autre forme d'explication, ou que les enquêtes effectuées ne sont pas probantes.