Après les discours triomphalistes qui ont accompagné les signatures des accords du 30 avril et du 27 janvier, il semble que le pessimisme est en passe de gagner du terrain dans les sphères syndicales. «Rien ne marche plus », annonce à haute voix Houcine Kafouni, secrétaire général adjoint de la FDT et pour cause ! Officiellement, l'application des réformes tarde à venir, et des propos gouvernementaux accentuent la tension. Lors des préparatifs pour la constitution de la délégation devant prendre part aux assises de l'Organisation arabe du travail, les autorités gouvernementales ont annoncé aux syndicats qu'elles ne disposent pas encore des résultats des élections socioprofessionnelles dans les secteurs publics et semi-publics, sachant que ces résultats sont publiquement disponibles depuis septembre dernier. Plus grave encore, une dizaine seulement de projets de décrets d'application du Code de travail sont présentés aux syndicats, alors qu'il est question d'une soixantaine de décrets et qu'il ne reste plus que quatre mois pour la mise en application des engagements annoncés par le gouvernement vis-à-vis des syndicats. Mais, chez ces derniers, le scepticisme est de mise quant à la disposition des moyens financiers pour répondre à leurs besoins. Rares sont donc les éléments qui indiquent une quelconque évolution dans ce domaine. Ni le budget de l'Etat pour l'année en cours ne prête à la quiétude, ni l'action sur le terrain. A ce niveau, le constat est clair. Pour résoudre les problèmes dans lesquels se débattent les différentes composantes du monde du travail, il faudrait, au moins que les inspecteurs du travail soient dotés des moyens d'intervention nécessaire et d'un effectif à même de remplir cette tâche. Mais, dans les courts et moyens termes, ces faits sont loin d'être acquis. D'où le cumul des problèmes et le malaise qui se répand de proche en proche. A Safi, des centaines de travailleurs de la CCT ( Compagnie chérifienne des textiles) continuent d'observer leur sit-in dans l'absence totale d'une visibilité ou d'un éventuel dénouement de leur situation à l'horizon. Au niveau de l'industrie du pétrole et du gaz, la SAMIR traverse une période de crise qui risque de dégénérer et prendre une ampleur sans précédent. Le bureau syndical de la SAMIR, affilié à la CDT ( Confédération démocratique du travail), a observé, jeudi à Mohammedia et Sidi-Kacem, un sit-in préventif à 12h.30 en dehors des heures de travail, en guise de protestation contre « le non-respect des droits des travailleurs et l'absence d'intervention des responsables gouvernementaux malgré un courrier abondant dans ce sens ». Le choix de l'horaire du déclenchement de ce mouvement témoigne de la volonté des contestataires de contourner la confrontation directe avec les responsables de la société. Mais, cela n'indique, pourtant pas, que le mouvement de contestation pourra s'arrêter à ce stade, sachant que deux autres dangers guettent cette société : d'une part, un nouvel incident qui pourrait intervenir à n'importe quel moment, étant donné qu'aucun effort n'est déployé pour l'éviter, et d'autre part la concurrence à laquelle s'expose ce secteur. Dans le domaine de la Santé publique, la centrale de Noubir Amaoui commence déjà à sonner le tocsin, notamment en s'insurgeant contre « l'obligation faite aux personnes nécessiteuses de s'acquitter de 50 % des frais de soins et de diagnostic ». Cette mesure qui se fait, dit-elle, « en dépit de la présentation du certificat d'indigence », et contrairement « aux dispositions et usages en vigueur » au Maroc. Dans la Fonction publique, outre le débrayage des administrateurs et cadres assimilés du 19 février, une nouvelle catégorie socioprofessionnelle passe à l'action. La Commission de coordination nationale des fonctionnaires et agents titulaires de la licence tient, ce samedi, une conférence de presse pour jeter la lumière sur ce qu'elle appelle « la politique de tergiversation » du gouvernement envers le dossier de leur intégration. Dans un communiqué, la commission annonce des grèves et des sit-in devant le ministère de la Modernisation des secteurs publics, le 23 février et devant le ministère de Finances, le 24 mars. Bref, le temps de la contestation sociale pointe à l'horizon et les travailleurs dans les différents secteurs attendent du concret de la part des responsables. Non des mesures destinées à la consommation publique.