Annoncé depuis plusieurs semaines, le livre de Mohamed Benchicou «Bouteflika, une imposture algérienne» n'a pourtant pas fait l'objet de procédure judiciaire en référé, pour suspendre sa sortie. Ce n'est que samedi que le ministre algérien de l'Intérieur et des Collectivités locales, Noureddine Yazid Zerhouni, a annoncé son intention d'ester en justice l'auteur du livre. Le quotidien algérien indépendant «Le Matin» s'est élevé, lundi 16 février, contre la censure policière visant l'interdiction de la distribution du livre-pamphlet de son directeur, Mohamed Benchicou, "Bouteflika, une imposture algérienne", qui doit normalement sortir le même jour dans les librairies algériennes. Dans un communiqué, publié lundi par la presse algérienne, «Le Matin» affirme que des policiers avaient investi la veille les locaux du journal, interpellé les employés qui étaient sur place, dont des journalistes ainsi qu'un caricaturiste d'un autre journal, et saisi des exemplaires du livre. Selon la même source, la police "harcèle" depuis mercredi les imprimeurs de la capitale et certains ont subi des fouilles systématiques en vue de bloquer le tirage du livre et en empêcher ainsi la diffusion. Les libraires sont sommés de ne pas vendre le livre, affirme la même source. Le journal alerte l'opinion publique nationale et internationale sur ces "provocations" policières et dénonce ces "pratiques fascisantes" en vue d'interdire un livre au mépris de toutes les lois. Auparavant, le ministre algérien de l'Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, a annoncé dimanche qu'il saisirait la justice en diffamation contre le livre du journaliste Mohamed Benchicou, essentiellement contre l'information selon laquelle «le président est accusé de s'être livré au commerce de voitures de luxe lorsqu'il était ambassadeur à Mexico dans les années 70». "Il faudrait que le directeur du 'Matin' en apporte la preuve. Ce sont là de graves accusations. Il devra en répondre devant la justice", a-t-il dit. A propos des accusations le visant, lui, sur son "passé de tortionnaire", notamment lors des événements en Kabylie, M. Zerhouni répond : "Il n'y a aucune torture en Kabylie. Personne n'a été torturé. Il y a eu des assauts contre des casernes de gendarmerie nationale et ce n'est pas moi qui avait poussé les jeunes à aller devant les Kalachnikov". Réagissant à l'annonce du ministre, le directeur du quotidien "Le Matin" a déclaré au journal "Liberté" que son livre "traite de l'imposture du président Bouteflika et non de la sous-imposture de Zerhouni. Il porte sur la supercherie incarnée par Bouteflika. Il n'était pas question pour moi de m'attarder sur le passé peu glorieux du premier flic du pays". "Bouteflika, une imposture algérienne" est un portrait au vitriol dans lequel Mohamed Benchicou convoque la passé pour donner une image peu glorieuse du chef de l'Etat algérien qu'il n'a de cessé de brocarder et de critiquer dans son journal. Il estime notamment qu'"après 57 mois de règne, la performance du président rassembleur est saisissante: le pays est coupé de la Kabylie, le FLN (parti majoritaire) est scindé en deux tendances opposées, l'avenir est sombre". En raison de son opposition frontale au président Abdelaziz Bouteflika et à son entourage, le directeur du «Matin» fait face à des tracasseries judiciaires qui durent depuis des mois. Il est placé sous contrôle judiciaire depuis 172 jours et privé de passeport. Un journaliste du quotidien, un employé, et le caricaturiste de «Liberté» Ali Dilem, qui visitait le journal, ont été arrêtés, puis auditionnés par la police, et relâchés. Les exemplaires du livre, en leur possession, ont été saisis, selon le communiqué du journal. Le livre, rappelle-t-on, sort à quelques semaines des élections présidentielles en Algérie, qui doivent se tenir le 8 avril prochain. Il rapporte les témoignages de certaines personnalités et anciens amis du président Abedalaziz Bouteflika.