Mohamed Benyahia, député USFP et membre de la commission des Affaires étrangères et de la Défense nationale à la Chambre des représentants, estime que même si l'Algérie porte un intérêt particulier au développement d'un programme nucléaire, le Maroc doit, dans un premier temps, observer le déroulement des évènements. ALM : Pensez-vous que l'Algérie représente réellement une menace militaire? Mohamed Benyahia : Je ne suis pas capable de dire que l'Algérie détient l'arme nucléaire et représente, par conséquent, une véritable menace. Toutefois, ce qui est sûr c'est qu'elle porte, depuis longtemps, un intérêt particulier à ce secteur. Tout le monde se rappelle la disparition de plusieurs milliards de dollars du temps où Abdelaziz Bouteflika était ministre des Affaires étrangères, à l'époque de Houari Boumediene. En fait, il s'est avéré que cette énorme somme a été détournée à des fins bien précises. Les militaires algériens l'ont utilisée pour financer des programmes nucléaires, sans que ça n'apparaisse dans le budget de l'Etat.A partir de là, nous pouvons affirmer que la menace nucléaire existe bel et bien. Quelle est, selon vous, l'ampleur de cette menace? En fait, dans un pays comme l'Algérie, qui fait partie des Tiers monde, faut-il le rappeler, il est extrêmement difficile de procéder à des contrôles efficaces des centrales nucléaires. L'Algérie est, comme tout le monde le sait, un pays en crise. En cas d'accident, les retombées sur le Maroc peuvent être désastreuses, surtout sur le plan environnemental. Le Maroc sera-t-il, à votre avis, visé par cette menace? Je tiens à préciser que dans la stratégie algérienne à l'égard du Maroc, il y a une constante: l'affaiblissement du Maroc. Contrairement à ce que pensent certains, les Algériens n'ont pas l'intention de renverser le régime marocain. Le fond de la pensée algérienne a été résumé par Khaled Nezzar qui a déclaré que l'Algérie est contre la création d'un Etat dans le Sahara. Tout est dit. Effectivement, les Algériens seront incapables de contrôler le polisario s'il crée son propre Etat. Mais cela étant, ils soutiennent le polisario car ils veulent garder éternellement ce conflit afin, justement, de déstabiliser et d'affaiblir le Maroc. D'ailleurs, à chaque fois qu'une occasion se présente devant elle, l'Algérie tente de porter atteinte au Maroc. Comment doit réagir le Maroc face à cette situation? A mon avis, le Maroc doit observer le déroulement des évènements avec sa sagesse habituelle. Attendons de voir les résultats des élections en Algérie et évitons d'agir pour le moment. En effet, la bataille autour de ces élections est rude. Les militaires dans un camp, Abdelaziz Bouteflika dans l'autre, sans oublier le FLN… bref, tout un remue-ménage qu'il serait judicieux d'observer. Il est difficile de deviner l'issue de ces consultations, mais ce qui est sûr c'est que des changements importants s'opèrent en Algérie, et le Maroc doit en profiter pour mettre un terme au problème du Sahara et pour la construction de l'UMA. Vous pensez toujours que l'UMA est réalisable? Je crois fermement que la construction de l'Union du Maghreb Arabe est un objectif noble, dans l'intérêt de tous les pays de la région, à commencer par le Maroc et l'Algérie. Je pense également que des changements positifs, à l'égard du Maroc, s'opèrent dans les structures de l'Etat algérien et surtout dans la population algérienne. Il est difficile de dire qu'une nette volonté d'apaisement est née chez nos voisins, mais le changement, lui, existe bel et bien. L'affaire du Sahara doit être réglée dans le cadre de l'UMA. C'est-à-dire à travers d'une solution politique négociée avec l'Algérie et pourquoi pas le polisario. Mais, le tout dans le respect de l'intégrité territoriale du Maroc. Que pensez-vous du silence espagnol à l'égard du programme nucléaire algérien? Certes, l'Espagne a des intérêts réels en Algérie. Mais son silence à l'égard des projets nucléaires algériens est, à mon sens, incompréhensible. Surtout sachant que cette même Espagne a remué ciel et terre pour contrecarrer un projet maroco-chinois à Tan-Tan de station nucléaire de dessalement. Aujourd'hui, ce projet semble avoir été renvoyé aux calendes grecques.