L'affaire est sans précédent dans les annales judiciaires marocaines. Eclatée en février 1993, elle s'était propagée comme une traînée de poudre dans tous les foyers marocains, suscitant partout l'émoi, l'indignation et l'écœurement... Le 3 février 1993, deux étudiantes portent plainte auprès du procureur du roi près le tribunal de Casablanca-Anfa contre Tabit Mohamed Mustapha, commissaire principal des renseignements généraux à Aïn Sebaa Hay Mohammadi, pour violence, viol et séquestration. La Gendarmerie Royale de Casablanca ouvre une enquête légale. Des gendarmes accompagnés d'un représentant du ministère public se rendent aussitôt, sur indication des deux plaignantes, à la garçonnière de Tabit Mustapha, sise au Boulevard Abdallah Ben Yassine. Les recherches effectuées sur place, avec l'assentiment du mis en cause, permettent de découvrir entre autres 118 cassettes vidéo, des caméras, un répertoire comprenant les noms et adresses de dizaines de femmes et un listing informatique. L'affaire éclate. Elle atteindra des limites jusque-là quasi-inimaginables dans la société marocaine. Au fil de l'enquête se révèlent des dizaines et des dizaines de viols sur des femmes tombées dans les filets du commissaire, par la ruse, le chantage ou la force. Tous les détails figurent sur les cassettes vidéos saisies dans la garçonnière de Mustapha Tabit. L'affaire devient vite la Tabitgate. Relayée par la presse, au jour le jour, tout le long du procès, elle bouleverse l'opinion publique qui découvre un monde de débauche avec au centre un agent d'autorité dont les victimes se comptent par centaines. Le « visionnage » des cassettes montre des centaines de victimes, dont seules quelque 600 sont identifiées. Un montage projeté à huis clos dans la salle d'audience bouleverse les avocats présents, y compris ceux de la défense. Les actes les plus atroces, les plus pervers y figurent. Certains organes de presse à l'époque en arrivent au descriptif à peine nuancé. Et quelque chose change irrémédiablement dans la société marocaine. A mesure que le procès se poursuit, les têtes tombent les unes après les autres. De hauts fonctionnaires de la sûreté, entre autres, sont inculpés à des degrés divers. Quand le verdict tombe à l'aube du lundi 15 mars 1993, il n'est pas surprenant. Du moins en ce qui concerne l'accusé principal. La peine de mort est prononcée contre Mohamed Mustapha Tabit pour Rapt et séquestration de personnes dont une femme mariée, en vue de commettre un crime, incitation à la débauche, usage de violence à l'encontre d'un agent dans l'exercice de sa fonction, défloration, entrave à la justice, bris de scellés, falsification et destruction de document public. Il sera exécuté le 9 août 1993.