Le patron des services secrets belges, Alain Winants, a annoncé mercredi avoir porté plainte devant la justice après la parution de renseignements «hautement classifiés» dans la presse dans le cadre de l'affaire «Belliraj». Ce recours à la justice intervient sur fond d'échange d'accusations entre la Sûreté de l'Etat et la police judiciaire. Le patron des services secrets belges n'entend plus jouer à la «défense», il passe désormais à l'attaque. Et c'est devant la justice qu'il entend contre-attaquer, pour obtenir réparation au «préjudice» causé à ses services. Mercredi dernier, Alain Winants, - puisque c'est de lui qu'il s'agit -, a annoncé avoir porté plainte auprès du procureur du Roi de Belgique à la suite de la parution de renseignements «hautement classifiés» dans la presse dans le cadre de l'affaire du Belgo-Marocain Abdelkader Belliraj, chef du réseau terroriste démantelé le 18 février au Maroc. Vendredi dernier, les médias bruxellois, presse écrite et télévisions confondues, rapportaient des «allégations» selon lesquelles «Belliraj», - aujourd'hui en détention à la prison civile de Salé -, aurait été «un informateur rémunéré des services de renseignement belges». Les mêmes médias indiquaient que «Belliraj» était un indicateur parmi tant d'autres impliqués dans les ramifications de l'étrange connexion entre renseignement, grand banditisme et islamisme, citant, à titre d'exemple, un proche de «Belliraj», qui faisait office de «jardinier» dans sa luxueuse résidence à Evrem. Les mêmes médias étaient allés jusqu'à révéler le montant des cachets octroyés aux informateurs, allant de 500 à 2500 euros, en échange de chaque «information» livrée à la «grande muette». «On se doit de constater que la teneur essentielle de ces communications et de ces déclarations sont de nature à donner une image négative de la Sûreté de l'Etat», dénonce le patron belge des services secrets, qui vient de porter plainte contre «X». Dans un communiqué, diffusé mercredi, et rapporté par l'agence de presse «Belga», M. Winants s'interroge sur «le timing de la publicité et de l'émoi qui entourent cette affaire». «Le service se demande notamment s'il s'agit d'un pur hasard que la Sûreté de l'Etat fasse l'objet d'une telle attaque au moment où la loi sur les méthodes particulières de recueil de renseignements pour les services de renseignement se trouve à l'agenda parlementaire», s'est-il interrogé. Mardi dernier, et après une véhémente tempête médiatique, l'affaire au parfum de scandale a «atterri», - dans un nouveau rebondissement spectaculaire -, en plein cœur du Parlement. Et c'est le ministre de la Justice, Joe Vendeurzen, qui a été interpellé par les députés. Le ministre de tutelle, qui s'est abstenu de livrer des informations, s'est contenté d'indiquer qu'une commission du Sénat est chargée du suivi des activités des services de renseignement, précisant que le travail de cette commission se tient à huis clos. Le même responsable a rappelé avoir «chargé le comité permanent de contrôle des services de renseignement d'une enquête à ce sujet». Ces rebondissements, tous comptes faits, cachent, de manière à peine voilée, une guerre latente dont les protagonistes ne sont autres que les services de renseignement et la section antiterroriste, qui reproche aux premiers d'avoir fait de «la rétention de l'information» au sujet de «Belliraj», qui, - au-delà de ses connexions avec des organisations terroristes, tels que l'ancien Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), ou plus encore «Al Qaïda» d'Oussama Ben Laden, est accusé d'avoir commis, dans les années 80 en Belgique, six assassinats, dont certains sont à caractère politique. Ces renseignements, révélés dans le cadre de l'enquête menée par la Sûreté marocaine, ont mis dans l'embarras les services secrets belges, accusés d'avoir «couvert» leur informateur «Belliraj». La montée en charge du patron de renseignement belge sonne comme une riposte à la levée de boucliers chez les services de la police judiciaire, notamment la section en charge de la lutte antiterroriste. En ligne de mire, ce sont moins les médias belges que des responsables au sein de cette section qui seraient responsables des «fuites» à la presse. Alain Winants a cité, à l'appui de sa plainte, «la violation du secret professionnel». «La Sûreté de l'Etat a décidé de porter plainte avec constitution de partie civile pour atteinte à la loi du 11 décembre 1998 sur la classification, et atteinte à la loi du 30 novembre 1998 du code pénal sur le secret professionnel». La police judiciaire, quant à elle, a-t-elle préparé son plan de riposte, face à la montée au front de son homologue du renseignement ? En accusant la Sûreté de l'Etat, de ne pas s'être suffisamment méfiée de «Belliraj», de ne pas contrôler de manière assez rigoureuse la provenance de ses «indics», et d'avoir fait de la rétention de l'information à l'égard des autres services de police, elle aura déjà riposté. La police belge salue «l'excellente» coopération de la part des autorités marocaines Le directeur judiciaire de la police fédérale de Bruxelles, Glenn Audenaert a salué l'excellente coopération avec les autorités marocaines dans le cadre du démantèlement du réseau terroriste Belliraj. «Au moment de revenir en Belgique, les policiers que nous avons envoyés au Maroc trouvent qu'ils ont eu une très bonne, voire une excellente coopération de la part de leurs homologues marocains», a souligné M. Audenaert, cité jeudi par le journal «Le Soir». Le responsable belge a également précisé que les informations recueillies au Maroc «sont en tout cas suffisantes pour évaluer quel sera le contenu des commissions rogatoires à venir». Six policiers belges spécialisés en terrorisme et grand banditisme ont été envoyés, lundi au Maroc, pour prendre connaissance des informations marocaines. M. Audenaert s'est félicité que ces derniers aient pu avoir accès aux comptes rendus des interrogatoires et eu des entretiens avec les policiers en charge du dossier. Une commission rogatoire officielle viendra au Maroc pour en ramener les éléments concrets et dans le même temps le Maroc va probablement envoyer une commission rogatoire en Belgique pour enrichir son dossier des éléments relatifs aux assassinats commis en Belgique.