Actuellement, plusieurs villes sont secouées par des manifestations de jeunes souvent diplômés et soutenus par les populations. Le gouvernement essaye de calmer les choses de manière superficielle et laisse les braises dans les cendres. ALM : Dans un contexte national et international particulier — qui ne lui a pas été favorable —, et à partir de son positionnement en opposition, comment l'USFP entend-il jouer un rôle important pour relever les défis auxquels est confronté le Maroc ? Habib El Malki : Le retour à l'opposition a été une décision politique réfléchie et dictée par plusieurs facteurs. Non seulement il est question des résultats des élections anticipées du 25 novembre, mais c'est aussi dû aux transformations profondes qu'a connues la société marocaine, notamment l'émergence d'une nouvelle génération de forces populaires composée de femmes, de jeunes, de nouveaux travailleurs dans plusieurs secteurs d'activité qu'ils soient liés directement à la production ou aux services. Nouvelle génération qui soulève de nouvelles questions sur l'efficacité de l'action politique, la réalité du changement… Tous ces facteurs font que l'USFP a besoin de se redéfinir et jeter les bases d'un nouveau départ. Ainsi, ce sera l'enjeu du prochain congrès, le neuvième prévu avant la fin de l'année. Quelle sera votre approche en tant que parti d'opposition ? L'opposition que nous sommes en train de construire -car celle-ci ne se décrète pas mais se construit- ne sera pas de type technique ou gestionnaire, sa finalité est de préparer la prochaine alternance politique. Nous sommes dans ce sens attendus dans plusieurs domaines. Le premier concerne les problèmes liés à notre identité et nos valeurs dans un monde en plein changement. Ceci est un point, déterminant: il marquera les nouvelles frontières entre une droite conservatrice qui se présente souvent sous un visage acceptable mais pernicieux et une gauche authentique, crédible et porteuse d'espoir à travers son projet de société fondé sur la démocratie et la modernité. L'autre domaine d'ordre politique porte sur la nécessité de mener un combat exigeant pour que la Constitution ne soit pas dévoyée. Nous considérons qu'une application démocratique et transparente de la Constitution n'a qu'une seule finalité. Il s'agit de l'émergence d'une nouvelle citoyenneté, celle d'un Marocain libre dans ses choix, dans son mode de vie, dans sa manière d'être et de se comporter, sans aucune tutelle d'où qu'elle vienne. Le troisième domaine fondamental concerne la question sociale qui est au centre de nos préoccupations dans la perspective de réduire les écarts et rendre la société moins inégalitaire, plus homogène et solidaire. Un combat sur plusieurs fronts sera mené dans ce sens. Comment évaluez-vous le travail du gouvernement ? La situation générale marquée par un grand attentisme soulève beaucoup de questions et est source de confusion. Que va faire le gouvernement face aux mouvements sociaux qui secouent plusieurs villes, en dehors de présenter un discours classique qui évolue du bâton à la carotte et de la carotte au bâton ? Une autre question pour illustrer cet attentisme : Quel sera le degré de conformité des engagements pris dans le cadre du programme gouvernemental par rapport au projet de loi de Finances de 2012 et dont l'accouchement semble douloureux ? On attend aussi de voir au cours de cette année la poursuite des consultations électorales au niveau des collectivités territoriales, des Chambres professionnelles, de la Chambre des conseillers. Il n'y a aucune vision quant à l'agenda électoral de 2012. Un silence aussi inquiétant et qui concerne la poursuite de la mise en œuvre de la Constitution. Le gouvernement n'est pas au rendez-vous. On le trouve là où il ne faut pas.
Mais vous critiquez le gouvernement sur des points que vous même avez eu des difficultés à régler quand l'USFP gouvernait. Notre critique à l'égard du gouvernement n'est ni rapide ni systématique. Nous tenons à ce que les choses se clarifient. Actuellement, plusieurs villes sont secouées par des manifestations de jeunes souvent diplômés et soutenus par les populations. Le gouvernement essaye de calmer les choses de manière superficielle et laisse les braises dans les cendres. Il est temps qu'il prenne des décisions courageuses conformément aux engagements pris. Du côté des opérateurs économiques nationaux et étrangers : absence de visibilité, c'est-à-dire attente très forte sur les projets, le financement, la fiscalité pour l'année en cours. Quel a été l'impact de l'expérience gouvernementale de l'USFP durant trois mandats ? Nous avons accumulé une expérience gouvernementale de plus de 12 années. Durant cette période, nous avons contribué à des changements décisifs. Nous avons pris les initiatives nécessaires pour approfondir la démocratie à travers des réformes dans les domaines constitutionnel, politique et socio-économique et qui ont jeté les bases du système d'alternance. Ce que nous vivons aujourd'hui n'est que le prolongement de la dynamique déclenchée en 1998, avec le gouvernement d'alternance. L'USFP a fortement contribué à faire respirer politiquement le Maroc. Mais une évaluation de cette expérience soulève un problème important. Nous n'avons pas veillé à ce qu'il y est un équilibre entre le travail au sein du parti et le travail au sein du gouvernement. Le parti n'a pas bénéficié des aspects positifs de notre participation au gouvernement depuis 1998. Une évaluation sérieuse de notre expérience gouvernementale est nécessaire. Et ce, particulièrement dans la perspective de préparer notre prochain congrès. Nous n'avons pas réussi à marcher sur nos deux jambes. Le problème ne porte pas sur le principe de la participation, mais il concerne le mode de gestion de notre participation.
Pour quand est prévu le congrès? Nous sommes dans les délais. Le 9ème congrès se tiendra avant la fin de l'année. Le prochain conseil national annoncera la date définitive. Un congrès qui devra aborder l'identité du parti, ses valeurs, la mise en œuvre de la Constitution et la question sociale. Autrement-dit, il devra traiter de ce que nous devons être durant les prochaines années. Vous êtes aujourd'hui un parti où il y a deux tendances, l'une une gauche nostalgique qui souhaite unir la famille et une seconde qu'on peut appeler sociale libérale. De quel courant vous faites partie et où est l'avenir de l'USFP ? Les appellations ne sont pas conformes à la réalité du parti. Le passage à l'opposition, c'est une dynamique, un processus. Il constitue une nouvelle étape dans la vie du parti. Mais il y a les fondamentaux, le socle commun. Je fais référence à la gauche. Tout le monde est attaché au socle de la gauche. Pour nous, le retour à l'opposition a pour finalité la préparation de la future alternance en se dotant de tous les moyens, sur le plan de la vision, de l'organisation, et la manière d'entretenir des rapports étroits avec les organisations de masse proches du parti. C'est ce qui créera une dynamique débouchant sur une nouvelle situation. Il va de soi que l'opposition d'aujourd'hui sera différente de celle d'hier. L'opposition ittihadia sera menée sans concession de manière responsable et intransigeante contre toute tentative de dévoiement de la nouvelle Constitution. Nous voulons que celle-ci devienne une réalité, c'est-à-dire établir un nouveau rapport entre l'Etat et le citoyen, entre les institutions dans le cadre du respect du principe de séparation des pouvoirs et la suppression de toute forme de tutelle. Faire émerger un citoyen souverain, libre de ses choix. En somme, l'avènement d'un nouveau Maroc.
Et les alliances ? Un parti de gauche doit se tourner vers sa propre famille de gauche. Les canaux du dialogue sont nombreux. Malgré certaines déceptions, certains reculs, nous continuons d'agir pour jeter les bases d'une gauche unie à travers des mécanismes réalistes. Les prochaines échéances électorales sont une opportunité pour prendre des initiatives concrètes et dépasser les positions de principe. Une sensibilité de gauche est également devenue visible aujourd'hui chez le PAM à l'issue de son récent congrès. Une alliance avec ce parti est-elle possible? Le PAM vient de tenir son congrès. Nous sommes en train de préparer le nôtre à l'instar d'autres partis. 2012 sera l'année des congrès pour plusieurs formations politiques.
Qu'en est-il de l'affaire Zaidi. Sa démission a-t-elle été acceptée ? Le bureau politique et le groupe parlementaire socialiste ont renouvelé leur confiance en Ahmed Zaidi pour continuer à présider le groupe parlementaire. M. Zaidi reste, la page est tournée.