Les partis politiques ont vraisembla-blement choisi de jouer la carte des jeunes pour les élections législatives du 25 novembre. Dans le cadre de la conjoncture que traverse actuellement le Maroc, le rajeunissement des élites constitue l'un des principaux enjeux des législatives 2011. Etant donné que la nouvelle Constitution accorde une place de choix aux jeunes et les incite à adhérer activement à la vie publique, il est attendu de ces élections qu'elles fassent émerger de nouveaux visages surtout parmi la jeunesse afin de renforcer le processus de réforme et lui donner plus de crédibilité. Le législateur marocain est conscient de ce constat. Il a prévu, de ce fait, à travers la loi organique sur la Chambre des représentants, entrée en vigueur récemment, un quota de trente sièges réservé aux jeunes. Mais, cela ne veut pas dire que le reste des sièges du Parlement, soit 365, ne sera réservé qu'à des «personnes âgées». En dehors des acquis, et en prévision des élections du 25 novembre, les partis politiques ont vraisemblablement choisi de jouer la carte des jeunes. Ainsi, en plus des trente sièges assurés d'office pour des candidats de moins de 40 ans, des formations ont présenté des jeunes candidats au niveau des circonscriptions locales. Les chiffres recueillis par ALM parlent d'eux-mêmes. Sur le podium de la plus grande représentativité des moins de 40 ans, le Parti authenticité et modernité (PAM), l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et le Mouvement populaire (MP). Pour le parti du tracteur qui couvre 90% des circonscriptions, 23% des candidats têtes de listes au niveau local, soit environ le quart, sont des jeunes. 17 candidats relèvent de la tranche d'âge de 30 à 40 ans alors que 2 candidats sont âgés de moins de trente ans. S'agissant du parti ittihadi, les têtes de listes moins de 40 ans s'élèvent à 22 % des candidats avec un taux de renouvellement des candidats pour les élections de l'ordre de 82%. Le nombre des candidats uspéistes relevant de la tranche d'âge de 40 à 50 ans s'élève par ailleurs à 45%. Pour ce qui est du parti haraki, qui table sur la présentation de nouveaux visages à hauteur de 70% des candidats, une source partisane a affirmé à ALM que le nombre des jeunes candidats têtes de listes s'élève à environ 20 à 30% sur un total de 90 circonscriptions. Les dirigeants de ces trois formations affirment qu'ils ont délibérément choisi de donner plus de place aux jeunes afin «de donner un nouveau visage à l'action politique et redonner confiance aux citoyens, condition sine qua non de la réussite du processus de réforme». Pour ce qui est des autres grandes formations, on cite également l'exemple de l'Union constitutionnelle qui réserve environ 20% de ses têtes de listes locales à des jeunes candidats. Le parti dirigé par Mohamed Abied, qui couvre 83,7% des circonscriptions, indique, en outre, que les nouveaux candidats pour les élections du parti sont de l'ordre de 74%. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) présente, lui aussi, 7 jeunes candidats comme têtes de listes au niveau local. «Nous avons reçu dix demandes de la part des jeunes. Nous avons choisi sept parmi ces derniers comme têtes de listes pour les circonscriptions locales. Pour le reste des têtes de listes, la grande majorité des candidats est âgée de 40 à 55 ans», précise Rachid Talbi Alami, membre du bureau exécutif du RNI. Pour ce qui est du Parti de la justice et du développement, on trouve six jeunes candidats comme têtes de listes. En plus, 22% des candidats islamistes sont des jeunes de moins de 40%, selon des statistiques pas encore définitives. Le parti de l'Istiqlal, qui assure pour ces élections une couverture de 100% des circonscriptions, ne parle, pour sa part, que des jeunes candidats de manière générale qui sont de l'ordre de 35 % sans spécifier les cas des jeunes têtes de listes. A vrai dire, ces chiffres «encourageants» montrent réellement que les formations politiques se soucient de la nécessité de donner plus de place aux jeunes, mais la question qui se pose est celle de savoir qu'est-ce qui explique «cet intérêt soudain» pour le rajeunissement des élites? La présentation d'un nombre important de jeunes comme têtes de listes locales relève-t-elle d'une stratégie ambitionnant de rajeunir les élites ou s'agit-elle tout simplement d'une tactique électoraliste destinée à soigner leur image auprès des citoyens? «Sommes-nous obligé d'imposer des quotas chaque fois qu'il faut intégrer une catégorie à la vie politique, au risque que le quota devienne la règle et non l'exception», s'interroge Ahmed El Bouz, professeur de Droit constitutionnel à l'Université Rabat-Souissi (Voir entretien page 6). Aussi, ces partis n'ont-ils finalement pas présenté des jeunes que dans des circonscriptions où ils avaient l'habitude de ne pas remporter des sièges? Est-il vraiment opportun de présenter un nombre important de jeunes mais uniquement en troisième et quatrième places dans les listes locales? Autant d'interrogations qui suscitent des doutes au sujet «des initiatives de rajeunissement» des élites. D'ailleurs, les acteurs politiques, eux-mêmes, évoquent la nécessité de crédibiliser le processus de rajeunissement. «Le rajeunissement est une nécessité pressante mais faudra-t-il encore qu'il soit crédible. Il faut présenter des jeunes militants qui ont des compétences pour pouvoir relever les défis», souligne Fathallah Oualalou, membre du bureau politique de l'USFP. Pour sa part, Younès Skouri, tête de liste nationale du PAM, estime que le fait de présenter des jeunes candidats mais pas comme têtes de listes relève «de la consommation médiatique». M. Skouri fait observer, en outre, que «le PAM a choisi de présenter des jeunes comme têtes de listes pour environ le quart des circonscriptions locales dans le but d'atteindre réellement le but de la régénération de ses élites». Saïd Jafri, professeur de Droit public à l'Université Hassan premier de Settat, estime, pour sa part, que ces initiatives des partis traduiraient uniquement une tactique électoraliste. «C'est le contexte local et régional qui a imposé aux partis de présenter de nouveaux visages sinon ils ne l'auront jamais fait. Nos partis n'ont plus aujourd'hui le choix. Les politiques savent très bien qu'en l'absence du rajeunissement, la vie politique au Maroc pourrait déboucher sur l'impasse», souligne M. Jafri, ajoutant que «ces initiatives entreprises par les partis relèvent d'une tactique et non pas d'une stratégie. Ce qui prouve ce constat c'est que ces partis n'avaient rien planifié à l'avance». Selon la même source, l'absence de la démocratie interne constitue l'un des principaux obstacles qui entravent le processus de rajeunissement des élites.