Les partis politiques ont finalement compris la nécessité de se regrouper. Les premiers pôles sont déjà apparus. Fini la Balkanisation ? Se dirige-t-on vers une rationalisation du champ partisan comme le souhaitent et le recommandent plusieurs observateurs depuis des années. Tout semble indiquer, en tout cas, que les partis politiques marocains ont peut-être fini par comprendre (du moins on l'espère) que leur salut passe par le regroupement. En tout cas, tous les mouvements qui secouent la scène depuis quelques semaines l'indiquent: l'embryon d'un grand pôle de centre est déjà en place, la grande gauche unifiée tente de renaître, les petits partis aussi essaient de rassembler leurs forces... La dynamique de regroupement des partis politiques est bien lancée. A l'approche des élections législatives prévues le 25 novembre prochain, les trente et quelques partis, grands et petits, cherchent des alliances à gauche et à droite. Et ce sont le RNI, l'UC, le PAM et le MP qui ont ouvert le bal il y a quelques jours en annonçant leur décision de travailler ensemble sur une plate-forme commune pour uniformiser leurs positions vis-à-vis des projets de lois actuellement en discussion avec le ministère de l'intérieur. Quelques jours plus tard, l'USFP, l'Istiqlal et le PPS ont tenté de relancer leur collaboration dans le cadre de la Koutla. Une opération qui n'a pas finalement abouti. Et aux deux premiers de tenter autre chose: faire revivre le rêve d'antan, la grande gauche unifiée. Mais là aussi l'opération de charme des grands partis de gauche n'a pas séduit les petits (lire notre édition du lundi 29 août). Et les petits partis ne sont pas en reste. 16 petites formations se sont réunies autour de l'idée de la nécessité de coordonner leurs actions pour se faire une place plus importante sur la scène politique. A cela s'ajoutent les alliances déjà existantes, notamment l'Alliance de la gauche démocratique (AGD), le pôle moderniste et démocratique ou l'Alliance pour la démocratie. Ainsi, les regroupements des partis se multiplient bien que leurs initiateurs n'avouent pas expressément qu'ils souhaitent mettre en place des alliances préélectorales en prévision des prochaines élections. Pour ce qui est de la Koutla, bien que certaines composantes de ce bloc ne croient pas sérieusement à l'utilité de la relancer, le PPS s'y accroche bec et angles. «En politique, il faut toujours être optimiste. Au PPS, nous continuons d'agir pour que la Koutla, qui a repris un peu de couleur ces derniers temps, puisse annoncer une alliance claire en prévision des prochaines élections. Nous pensons que nos alliés partagent le même avis», souligne Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS. Et de poursuivre : «nous pensons que la Koutla peut constituer l'épine dorsale du champ politique tel qu'il va se définir lors des prochaines élections. La Koutla continuera de gérer l'action gouvernementale». Aussi, il souligne en rappel, «parallèlement, nous déployons des efforts pour unir les rangs de la gauche raisonnable et responsable». Du côté de la droite libérale, le RNI, le PAM, le MP et l'UC ont été les premiers à jeter les bases d'une alliance après l'approbation de la nouvelle Constitution. A l'heure actuelle, il s'agit du cadre de rapprochement le plus avancé et le plus clair. «Le rapprochement entre les quatre partis libéraux n'est pas nouveau et la mise en place d'une alliance n'est pas une fin en soi. Pour nous, il est souhaitable qu'il y ait une polarisation du champ partisan afin de remédier aux dysfonctionnements qui ébranlent l'action politique», précise, de son côté, Mohamed Abied, secrétaire général de l'UC. «La polarisation doit se faire graduellement et doit être fondée de la base», ajoute M. Abied. Pour sa part, la famille de la gauche tente toujours, dans le cadre de cette dynamique, de colmater les brèches et de s'unir de nouveau, bien que la tâche n'est pas évidente. Il y a une semaine, l'USFP, le PPS, le PS, le FFD et le PGV ont décidé lors d'une réunion de mettre en place une commission technique destinée à dresser une plate-forme déterminant les perspectives de coordination entre les cinq partis. Toutefois, cette initiative n'a pas trouvé un écho favorable auprès des autres partis de gauche que l'on souhaitait inviter, à savoir le PSU, le PADS, le CNI et le Parti travailliste. «Il y a une convergence des points de vue entre les partis de gauche, notamment sur le plan idéologique, ainsi qu'au niveau des projets de société et des valeurs. Nous espérons bien que nous serons en mesure de mettre en place des programmes communs pour les prochaines élections», indique Hassan Tarek, membre du bureau politique de l'USFP. «Malheureusement, la divergence des points de vue persiste entre les composantes de la gauche au sujet de la conjoncture politique actuelle», précise M. Tarek. Et d'ajouter que «l'USFP est logé actuellement dans deux cercles complémentaires. D'une part, il y a le cercle du mouvement national démocratique incarné par la Koutla et d'autre part le cercle de la famille de la gauche». A noter qu'en ce qui concerne la famille de gauche, l'initiative du pôle moderniste et démocratique entreprise par le PPS, le FFD et le Parti Travailliste en 2010 est restée lettre morte. Cette structure a été finalement abandonnée. «Le Parti travailliste s'était retiré de cette alliance bien qu'il ne l'a pas déclaré officiellement. Ainsi, on a continué à coordonner directement avec le PPS. Et nous continuons à le faire dans le cadre de ce nouveau groupement des cinq partis de gauche», signale Thami Khiari, secrétaire général du FFD. En plus de ces trois groupements, les petits partis ont déclenché, eux aussi, une dynamique de rapprochement entre eux. En effet, dans le cadre de l'examen des lois électorales, seize partis se sont unis pour poser des conditions communes à leur participation aux prochaines élections. Mais, le groupe des 16 n'a pas encore affiché va volonté d'aller vers la mise en place d'une alliance en prévision des prochaines élections. «Les 16 partis se sont réunis sur la base d'une plate-forme commune concernant l'élaboration des lois électorales. Il se peut qu'il y ait une alliance mais uniquement entre des partis ayant des affinités au sein de ce groupe», affirme Chakir Achahbar, secrétaire général du Parti du peuple. «Pour ce qui est de notre parti, nous entendons relancer la coordination avec d'autres partis. Nous attendons juste de voir si la loi sur les partis encourage réellement le mécanisme de l'union des partis», souligne M. Achahbar. Aussi, parmi les alliances déjà opérationnelles figure l'AGD qui n'a pas encore pris de décision à propos de sa participation aux prochaines élections. Pour ce groupement, la dynamique des alliances ne doit pas dépendre uniquement des calculs électoralistes. «Les alliances ne doivent pas être liées aux élections. Elles ne doivent pas être liées à des considérations purement conjoncturelles. Les alliances expriment les éléments en commun rassemblant des partis, notamment en ce qui concerne les valeurs, les programmes et les objectifs sociaux», note Mohamed Moujahid, secrétaire général du PSU. Ceci dit, la multiplication ces derniers temps des rapprochements entre les partis constitue-t-elle les prémices d'une éventuelle polarisation de la vie politique? La démarche de ces partis politiques qui s'unissent en prévision des prochaines élections s'inscrit-elle dans la perspective de la rationalisation du champ partisan? Ou bien s'agit-il uniquement de manœuvres conjoncturelles sans lendemain? Les observateurs affirment dans ce sens que plusieurs difficultés d'ordre conjoncturel et structurel entravent la mise en place de ces alliances. «Conscients que la balle est dans leur camp, qu'ils ont une responsabilité d'encadrement et de représentation consacrée constitutionnellement, les partis par ces initiatives cherchent à faire bouger les choses, de dépasser la stagnation, rationaliser l'action politique et d'opérer un minimum de coordination entre les partis ayant le même référentiel», fait observer le politologue Mohamed Darif. «Mais ce n'est pas facile de surmonter des contradictions qui ne sont que d'ordre conjoncturel mais aussi structurel», ajoute M. Darif. Pourquoi les partis de gauche ne peuvent pas constituer une grande famille ? Pour le politologue Mohamed Darif, l'histoire de la gauche est celle des alliances ratées. Au Maroc, la gauche est partagée en deux catégories. D'une part, on a la gauche traditionnelle et gouvernementale (USFP et PPS) qui a participé au gouvernement et aux élections, au référendum et qui est hostile au Mouvement du 20 février. Dans ce sens, ces deux partis sont plus proches du PI que de l'autre côté, une gauche complètement à l'opposée, une gauche radicale, qui boycotte élection, référendum, participation gouvernementale et soutient le Mouvement du 20 février, explique M. Darif. «Comment donc envisager une collaboration entre ces deux gauches que tout semble séparer ?», s'interroge-t-il.