Saïd Elakhal estime que cet acte criminel odieux cherche à porter atteinte au processus de réformes politiques et constitutionnelles dans lequel s'est engagé le Maroc. ALM : L'attentat de Marrakech intervient à quelques jours seulement de la date anniversaire des attentats terroristes du 16 mai. Quelle analyse en faites-vous? Saïd Elakhal : Cet attentat terroriste ne rappelle pas forcément les attentats du 16 mai, mais ceux du 10 avril 2007. Cet attentat vise à porter atteinte au processus de réformes politiques et constitutionnelles dans lequel s'est engagé le Maroc. Il vise également le processus de réconciliation, étant donné que SM le Roi avait gracié dernièrement 190 détenus et il existe actuellement des personnes en prison qui vont être libérées. Cet acte odieux est destiné à porter atteinte à l'unité et à la stabilité du Maroc, à son économie à travers le secteur du tourisme, étant donné que Marrakech est l'une des principales destinations touristiques, et à la dynamique que connaît le pays, notamment avec le Mouvement du 20 février qui a réuni plusieurs courants politiques et idéologiques ayant les mêmes revendications. Quels sont, selon vous, les responsables de cet attentat ? En fait, l'attentat de Marrakech porte la marque des groupes terroristes, étant donné que le communiqué du ministère de l'Intérieur dit clairement qu'il s'agit d'acte criminel qui a été préparé. Ce ne sont que les groupes terroristes qui peuvent exécuter un acte dévastateur de ce genre. A cela s'ajoute le choix de l'endroit et le nombre d'étrangers ayant péri suite à cet attentat. Ce sont les courants de la Salafiya Jihadia ou Al Qaïda qui peuvent être responsables de cet acte. Sinon ce serait au moins des groupes terroristes qui seraient sympathisants de la Salafiya Jihadia ou Al Qaïda. L'attentat de Marrakech prouve que le danger terroriste plane toujours sur le Maroc. Quelles sont les répercussions de cet acte terroriste sur le pays ? Tout d'abord, il se peut que le processus de réconciliation lancé récemment avec la libération de plusieurs détenus de la Salafiya Jihadia soit interrompu, comme cela a été le cas en 2007. Ces attentats constituent, également, une réponse directe aux islamistes, notamment le Parti de la justice et du développement (PJD), qui disent que la Salafiya Jihadia ne serait nullement impliquée dans les attentats du 16 mai, que toutes les personnes qui sont actuellement en détention suite à ces actes terroristes seraient innocentes et que les services sécuritaires seraient seuls responsables de ce dossier. Ils prétendent que ces services auraient monté ces attentats terroristes de toutes pièces. Suivant ce raisonnement des islamistes, qui serait donc responsable de cet attentat de Marrakech ? Il paraît totalement illogique de dire que les services de sécurité seraient derrière ces attentats. La défaillance de cette thèse des islamistes a été révélée au grand jour. Quel est le lien entre l'organisation terroriste d'Al Qaïda avec les attentats de ce genre? Certains disaient que les Mouvements de protestation dans le monde arabe pour réclamer des réformes politiques, économiques et sociales chassent l'organisation terroriste d'Al Qaïda là où elle se trouve. Ils disaient que l'existence d'Al Qaïda dans un pays déterminé est liée aux régimes de répression et d'intimidation. La fausseté de ce constat est avérée. Il importe peu pour les terroristes d'Al Qaïda que dans un Etat déterminé le régime politique est totalitaire ou démocratique. Al Qaïda a son propre agenda et son propre programme qu'elle cherche à mettre en œuvre pour semer la terreur. Pire encore, Al Qaïda s'active beaucoup plus dans les pays démocratiques que dans les pays non-démocratiques. Une délégation de haut rang sur les lieux de l'explosion Une délégation de haut rang s'est rendue, jeudi après-midi, sur les lieux de l'explosion criminelle survenue dans un café à Marrakech, faisant 14 morts et 20 blessés de différentes nationalités. La délégation était composée notamment des ministres de l'Intérieur, Taib Cherkaoui et de la Justice, Mohamed Taib Naciri et du secrétaire d'Etat à l'Intérieur, Saâd Hassar. La délégation comprenait également le directeur général de la Sûreté nationale, Cherki Draïs, le commandant de la Gendarmerie royale, le général de corps d'armée Hosni Benslimane, le wali de la région Marrakech-Tensift-Al Haouz, ainsi que des élus locaux et d'autres personnalités civiles et militaires. La délégation s'est rendue par la suite aux services des urgences de l'hôpital Ibn Toufail de Marrakech pour s'enquérir de l'état de santé des blessés. SM le Roi Mohammed VI avait donné ses Hautes instructions aux ministres de l'Intérieur et de la Justice, pour que les autorités compétentes diligentent une enquête judiciaire afin de déterminer les causes, les tenants et les aboutissants de cette explosion. Attentats du 16 mai : 45 morts et une centaine de bléssés à Casablanca L'attentat de Marrakech rappelle terriblement ceux du 16 mai 2003 à Casablanca.Une tragédie sans précédent. Peu avant 22h00, la ville de Casablanca avait été secouée par cinq attentats suicides quasi simultanés qui ont fait 45 morts et une centaine de blessés. Les lieux visés étaient le théâtre d'événements sanglants sans précédent. Au consulat de Belgique, à l'hôtel Farah, à la «Casa de Espana», au cercle de l'Alliance juive et à l'ancien cimetière juif de la métropole, les attentats ont secoué la vie paisible des Casablancais. Les auteurs de ces attentats terroristes appartenaient à la cellule terroriste «Salafia Jihadia» prônant l'idéologie takfiriste. Après les attentats du 16 mai 2003, Casablanca a été le théâtre d'opérations de même type le 11 mars 2007. Un kamikaze s'est fait exploser dans un cybercafé de Sidi Moumen. L'attentat a fait un mort et quatre blessés. Le kamikaze, Abdelfettah Raydi, est mort en actionnant une bombe qu'il dissimulait sous ses vêtements. Le 10 avril 2007, d'autres kamikazes se sont fait exploser à Hay El Farah. Quatre jours plus tard, deux frères, Mohamed et Omar Maha se sont fait exploser au boulevard Moulay Youssef, près du consulat des Etats-Unis et du Centre culturel américain.