Selon Saïd Elakhal, toute personne qui bannit de la religion musulmane les personnes qui s'attachent à la démocratie porte atteinte à l'une des constantes de la Nation. ALM : Que dites-vous à propos de la discorde entre cheikh Fizazi et le 20 février? Saïd Elakhal : En général, les chioukhs de la Salafiya adoptent la fatwa de déchéance du statut de musulman contre les personnes qui croient à la démocratie, et ce quelle qu'elle soit leur orientation politique ou idéologique. Il s'agit-là d'une règle générale qui unit les salafistes que ce soit les jihadistes ou les takfiristes. Or, on sait bien que les jeunes du 20 février appellent à la démocratie en premier lieu, de ce fait ils n'échappent pas à la fatwa des takfiristes. Ceci dit, Fizazi veut diviser le Mouvement du 20 février en deux groupes, les croyants et les mécréants. Selon cette analyse, le groupe des croyants serait constitué par les courants islamistes et l'autre groupe par les gauchistes et les laïcs. Fizazi veut implicitement crédibiliser les islamistes au détriment des autres composantes du Mouvement. C'est dans ce cadre qu'il a appelé ce Mouvement à se débarrasser des mécréants. Quel est le danger que présente cette situation? Les déclarations de Fizazi sont susceptibles de donner lieu à une lutte au sein du Mouvement du 20 février. Cette situation nous rappelle la période d'avant les attentats du 16 mai. A cette époque les chioukhs de la Salafiya faisaient l'apologie d'une prétendue lutte entre les croyants et les mécréants au Maroc. Ceci est de nature à avoir des répercussions néfastes sur la société et sur l'Etat. On sait bien que le projet de réforme de la Constitution met en valeur le choix démocratique en tant que constante de la Nation. Celui qui bannit de la religion musulmane les personnes qui s'attachent à la démocratie porte ainsi atteinte à l'une des constantes de la Nation qui font l'unanimité des Marocains. A partir du moment où le Mouvement du 20 février a milité pour la libération de tous les détenus politiques sans exception, Fizazi devait remercier les jeunes après sa libération et dire que c'est à eux que revient le mérite, au lieu de chercher à les diviser. Fizazi n'a pas le droit de priver certains jeunes de leur droit d'appartenir au 20 février, d'autant plus qu'il s'agit de membres fondateurs et dirigeants. Que proposez-vous dans ce sens ? Je pense qu'il faut mettre en place des lois qui incriminent les personnes qui portent atteinte aux constantes de la Nation. Si on avait auparavant ce type de lois, Fizazi aurait été encore en prison. Il faut mettre fin au chaos. Rappelez-vous bien, Fizazi avait affirmé, dans un entretien à Islam on line, que le gouvernement et les partis de gauche étaient des mécréants. Ce genre de fatwas menace la stabilité de la sécurité et de la stabilité du Maroc. Pire encore, Fizazi ne s'est pas encore rétracté à propos de cette fatwa. Cheikh Fizazi a affirmé qu'il a révisé ses idées durant ses 8 ans en prison. Comment analysez-vous cela ? Ce sont-là des propos pour la consommation médiatique. Jusqu'à présent, Fizazi n'a pas dit expressément qu'il s'est rétracté à propos de cette fatwa au sujet du gouvernement et des partis de gauche. Il ne doit pas rester dans les généralités, il doit être clair et aborder les détails pour nous dire explicitement quelles sont les choses à propos desquelles il a fait des révisions en prison. Sinon, les fatwas de Fizazi sur la base desquelles les terroristes du 16 mai ont mis les plans de leurs attentats sont toujours valables. Et à partir du moment que ces fatwas sont toujours valables, il faut s'attendre dans l'avenir à ce que des cellules terroristes chercheraient à exécuter leurs plans dévastateurs. Pour mettre en exergue le danger des fatwas de Mohamed Fizazi, il convient de rappeler que certains terroristes qui ont planifié les attentats du 11 septembre, ont assisté à des cours de Fizazi en Europe.