Said Elakhal, islamologue, affirme que l'AQMI est désormais pour les cellules terroristes d'Al Qaïda au Maroc, au Niger ou au Mali un soutien incontournable. ALM: Sept ans après les attentats terroristes du 16 mai, comment voyez-vous le développement de ce dossier? Saïd Elakhal: D'abord, du point de vue sécuritaire, il faut dire que les efforts considérables déployés par les services de sécurité ont montré leur efficacité. Les tentatives de plusieurs cellules terroristes ont été mises en échec grâce à la vigilance de ces derniers. Ceci dit, nous avons constaté que les cellules démantelées durant les trois dernières années sont plus dangereuses que les cellules démantelées auparavant. Ceci est dû essentiellement au fait que ces cellules étaient directement liées à l'organisation Al Qaïda aussi bien au niveau régional que continental ou mondial. En deuxième lieu, et concernant le volet de la pensée religieuse, il faut dire que malgré le chantier de la restructuration du champ religieux lancé par l'Etat, cette démarche n'a donné que des résultats très limités. Ceci se manifeste à plusieurs niveaux. En fait, il y a le marché marocain qui est toujours ouvert aux ouvrages et aux enregistrements prônant la pensée obscurantiste. Les ouléma du Maroc n'ont pas, pour leur part, fourni l'effort nécessaire pour contrecarrer et faire comprendre aux gens la fausseté et l'égarement de la pensée terroriste. Ceci est valable aussi pour les médias. Pire encore, il y a des ouléma qui font l'apologie de la pensée obscurantiste depuis les Conseils des ouléma. Peut-on dire aujourd'hui que la Salafiya Jihadiya a été anéantie et que le danger terroriste ne plane plus sur le Maroc? Absolument pas ! Bien au contraire, le danger de la Salafiya Jihadiya ainsi que d'autres groupes terroristes s'est accentué davantage au Maroc. Les cellules terroristes sont aujourd'hui plus fortes qu'autrefois. Aujourd'hui, nous avons le groupe jihadiste algérien qui s'est converti depuis 2007 en organisation relevant d'Al Qaïda, à savoir l'AQMI. Ce n'était pas le cas avant le 16 mai 2003. L'AQMI est désormais pour les cellules terroristes d'Al Qaïda au Maroc, au Niger ou au Mali un soutien incontournable. La situation est devenue encore plus catastrophique du fait que l'AQMI s'est alliée aux organisations criminelles transnationales de trafic d'armes et de la drogue avec tout ce que ceci entraîne comme conséquence. Que faut-il faire pour combattre ce danger? Il faut dire dans un premier lieu que la politique du dialogue avec les terroristes n'a pas montré son utilité pour mettre fin à leur danger. Nous avons constaté dernièrement que le Maroc, l'Arabie saoudite, le Yémen, l'Egypte et l'Algérie ont adopté cette politique qui n'a pas donné ses fruits. En Arabie saoudite, par exemple, les cellules terroristes sont devenues plus fortes et plus dangereuses. La Salafiya jihadiya au Maroc, lorsqu'elle parle de dialogue, elle met toujours en avant le fait que l'Etat doit rendre justice aux détenus. C'est comme si c'est l'Etat qui était coupable. Je pense que la seule démarche à même de contrecarrer le danger terroriste c'est l'approche sécuritaire. Une mesure efficace vu ses résultats sur le court et le moyen terme. En plus, les détenus de la Salafiya, bien qu'ils ont le droit à un procès équitable, ne doivent pas jouer le rôle de la victime. Ce sont des des personnes qui se sont rendus coupables d'un acte incriminé par la loi.