Le Maroc demeure attractif en termes d'investissements, mais peine à transformer suffisamment cette attractivité en création d'emplois. Un paradoxe qui s'explique par le choix des nouveaux secteurs à développer et également par la nécessité d'une véritable politique de l'emploi, totalement indépendante des investissements. Analyse. «Les projets approuvés témoignent de la vitalité et de l'attractivité croissante du Royaume pour les investisseurs étrangers». C'est le commentaire du ministre délégué chargé de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des Politiques publiques. Karim Zidane s'exprimait, mercredi dernier, à l'issue de la réunion de la 7e Commission nationale des investissements. Une réunion au cours de laquelle 20 projets d'une valeur de 17,3 MMDH ont été approuvés. Ils couvrent plusieurs régions et secteurs : automobile, métallurgie, télécoms, tourisme, énergies renouvelables et agroalimentaire ainsi que l'emballage, l'éclairage et l'outsourcing. Au total, on parle de la création de près de 27.000 emplois. Un nouvelle particulièrement réjouissante pour le gouvernement, qui fait de la bataille de l'emploi son principal objectif dans ce qui reste de son mandat. Un pari difficile à relever d'ici aux échéances électorales prévues en 2026. Le sujet s'impose, à l'heure où l'on est véritablement loin des promesses électorales de 2021, lors de la campagne qui a mené au gouvernement l'actuel Exécutif. 30% de hausse des IDE Et pourtant, l'économie marocaine, malgré un contexte interne et international difficile et incertain, a continué d'être attractive en matière d'investissements, comme le précise le ministre. Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle Charte de l'investissement, la Commission nationale des investissements a accéléré son rythme, rappelle le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch. À fin novembre 2024, les recettes d'IDE étaient en hausse de 30% par rapport à la même période en 2023. Le présage d'un bon cru pour l'année écoulée. Mais il se pose toujours la question de savoir pourquoi, malgré ces investissements importants, l'économie peine à créer de l'emploi, avec un taux de chômage qui caracole désormais à 13,6% selon les dernières statistiques du Haut commissariat au plan (HCP) pour l'année 2024. «C'est une grande problématique en effet. Mais attention, il faut savoir que la hausse du taux de croissance et des investissements n'entraîne pas forcément de l'emploi. Si les investissements contribuent à créer de l'emploi, ce n'est pas suffisant pour faire reculer le taux de chômage. Favoriser et créer des emplois exige une politique à part», répond l'économiste Driss Aissaoui. Ainsi, les choix des secteurs à développer actuellement ne sont pas forcément très créateurs d'emplois, malgré leur fort impact sur la compétitivité du Maroc à l'international. C'est le cas, par exemple, des énergies renouvelables, de l'économie numérique ou même dans de nouveaux secteurs comme l'industrie des drones, voire de l'automobile. «L'on est loin de la décennie 2000-2010 au cours de laquelle de nouveaux secteurs comme l'outsourcing permettaient de créer des dizaines de milliers d'emplois et d'absorber une bonne partie des nouveaux demandeurs d'emploi», clarifie un autre économiste. Cette transition semble dépassée et, là, il s'agit de secteurs certes futuristes, mais peu créateurs d'emplois. Besoins du marché L'autre question qui s'impose porte sur les retombées véritables de la forte reprise de certains secteurs moteurs de l'économie nationale. C'est, par exemple, le cas du tourisme, qui a réussi à créer 25.000 emplois supplémentaires en 2023, mais dont la plupart sont souvent très mal rémunérés. De même, les programmes «Forsa» et «Awrach», malgré les milliers d'emplois annoncés, se révèlent en fait être juste des recyclages d'emplois précaires. «Pour dépasser ce paradoxe entre attractivité et emplois, je pense qu'il faut définir la politique des investissements selon les secteurs en vogue, mais aussi et, surtout, selon les besoins du marché de l'emploi. Car, encore une fois, investissements en hausse ne veut pas forcément dire forte création d'emplois», conclut Aissaoui. Karim Karim Zidanidane Ministre délégué chargé de l'Investissement, de la Convergence et de l'Evaluation des Politiques publiques «Les projets approuvés témoignent de la vitalité et de l'attractivité croissante du Royaume pour les investisseurs étrangers. Le Maroc ne cesse de déployer des efforts intenses en vue de drainer les investisseurs et de promouvoir le climat des affaires, dans un esprit de consolidation de son rayonnement en la matière.» Driss Aissaoui Economiste «Il faut savoir que la hausse du taux de croissance et des investissements n'entraîne pas forcément de l'emploi. Si les investissements contribuent à créer de l'emploi, ce n'est pas suffisant pour faire reculer le taux de chômage. Favoriser et créer des emplois exige une politique à part.» Abdellah Benahmed / Les Inspirations ECO