L'islamologue Saïd Elakhal estime que le régime algérien ne prend nullement au sérieux la lutte antiterroriste. ALM : Quel commentaire faites-vous de l'absence de l'Algérie de la réunion de Bamako ? Saïd Elakhal : En fait, l'Algérie aspire à conserver le poste de porte-parole des pays du Sahel en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. D'ailleurs, c'est ce qui explique le fait que l'Algérie avait exclu le Maroc de la réunion de coordination pour la lutte antiterroriste au Sahel qui a eu lieu récemment sur son territoire malgré le fait que le Maroc en avait fait une demande officielle de participation. Il n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie que le Maroc participe à des réunions de ce genre, car le régime algérien ne prend nullement au sérieux la lutte antiterroriste. C'est l'Algérie elle-même qui soutient et fait répandre le terrorisme dans la région. Pour confirmer ce constat, il suffit de rappeler que l'Algérie, qui refuse aujourd'hui l'implication des Etats occidentaux et autres notamment le G8 dans la lutte antiterroriste dans la région, avait critiqué l'offensive menée par les forces armées mauritaniennes contre l'Aqmi et a refusé d'épauler la Mauritanie alors que c'est le régime algérien qui est chargé de coordonner la lutte contre Al Qaïda dans la région. La stratégie algérienne de lutte contre l'Aqmi est défaillante. Le terrorisme dans le Sahel n'interpelle pas que les Etats de la région, mais le monde tout entier, dont le Japon, la Russie et les Etats-Unis, et c'est là où réside la pertinence de la philosophie de la réunion de Bamako. Pourquoi dites-vous que l'Algérie ne prend pas au sérieux la lutte antiterroriste dans la région? Je pense qu'il est de l'intérêt de l'Algérie que le danger d'Al Qaïda persiste dans la région du Sahel, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, le régime algérien aimerait garder le leadership dans la région du Sahel comme force régionale qui mène et coordonne la lutte contre le terrorisme. En plus, le danger de l'Aqmi constitue un fonds de commerce pour l'Algérie capable de ramener à cet Etat des aides internationales très importantes. Ensuite, selon l'Algérie, plus le danger de l'Aqmi se propage dans la région, plus les attentats perpétrés par cette organisation terroriste sur le sol algérien auront tendance à s'amoindrir, d'où l'intérêt pour l'Algérie de faire répandre le terrorisme dans la région. D'ailleurs, les grandes puissances sont conscientes de ce constat et c'est la raison qui les a poussées à organiser l'actuelle réunion des experts en dehors du territoire algérien pour lui donner plus de crédibilité et de sérieux. Quelles sont les solutions que vous préconisez pour mettre fin au danger de l'Aqmi ? Les solutions au problème du terrorisme sont d'ordre politique, militaire et de renseignement. Le plus important parmi ces solutions est le volet politique. Les grandes puissances sont appelées à faire pression sur l'Algérie pour qu'elle mette fin aux conflits dont elle est responsable dans la région, notamment le conflit au Sahara. La persistance de ces conflits dans la région ne favoriserait nullement une coordination efficace entre les Etats de la région. En plus, il faut intensifier la coopération et la collaboration entre les services de renseignement des Etats de la région. En ce qui concerne le volet militaire, il faudra doter des Etats comme le Niger, le Mali et le Burkina Faso des moyens militaires nécessaires et un soutien logistique pour qu'ils puissent renforcer le contrôle de leur territoire. Surtout, les puissances étrangères doivent s'abstenir d'intervenir directement à travers leurs forces armées dans la région car cela est en mesure de donner une certaine légitimité à la lutte menée par l'Aqmi