Sur les 2 derniers mois, le Maroc, dans un rythme et un style qui sont les siens, a vu naître plusieurs initiatives qui configureront le futur paysage institutionnel : un CES, un projet de régionalisation, un débat national sur la réforme constitutionnelle qui devra aboutir à une Constitution, la première qui sera endogène et rédigée par les Marocains, entre eux et pour eux. Un Conseil national des droits de l'Homme avec des prérogatives très larges. Une nouvelle Délégation interministérielle aux droits de l'Homme. Une nouvelle institution d'Ombudsman portée par un homme dont tout le monde loue la compétence, la droiture et le sens de l'Etat….et on en est qu'au début. C'est loin d'être fini. Mais il y a comme un malentendu dans lequel se domicilient tous les équivoques et dont le plus redoutable serait que l'avènement de cette volonté de remodelage soit le produit de la seule pression de la rue. Beaucoup sont tentés de le penser pour le discours du 9 mars où le Souverain, qui est éminemment dans son rôle, a proposé au peuple marocain un autre et nouveau pacte. Pourraient-ils l'affirmer pour ce qui de la Régionalisation ou du Conseil des droits de l'Homme. Le projet de régionalisation est l'aboutissement d'un travail entamé lors de l'installation, le 3 janvier 2010, de la Commission consultative sous la présidence d'Omar Azziman. C'est dire qu'il y a des femmes et des hommes qui ont travaillé un an durant sur un sujet aussi complexe. On ne peut donc pas sortir de la poche, de manière gadgetique, un tel dispositif sous prétexte que la rue a marché. La démonstration est moins évidente pour le Conseil, mais une chose est sûre. Celui-ci succède au défunt CCDH dont le mandat était arrivé à terme le 10 décembre 2010 (j'en sais quelque chose puisque j'en étais membre) et que la nouvelle mouture du Conseil national, à ma connaissance, est en partie l'œuvre d'Ahmed Herzenni et de Mahjoub El Hiba, texte sur lequel ils ont travaillé des mois durant…sereinement. Ce qui est donc dangereux avec cette idée de «pression de la rue», c'est qu'en dehors de ne pas situer les choses dans leur contexte, et de rendre à César ce qui est à César et à Omar ce qui est à Omar, elle expose à l'idée du «toujours plus» et au reflexe de la surenchère. Une seconde et pénible ambiguïté guette. C'est la possible confusion entre deux types de revendications : quand les uns, profitant d'un contexte international où se métastasent la rébellion et la révolte, demandent une plus grande répartition des pouvoirs dans le débat constitutionnel, les autres, les plus nombreux, restent préoccupés par des attentes socio-économiques. Opportunément et pour ne pas dire cyniquement, les mains cachées des premiers orientent, sur le macadam, les pieds des seconds.