Nicolas Sarkozy sait ce qu'il gagne à maintenir son échafaudage gouvernemental intact et à ne pas céder devant les coups de boutoir de ses adversaires. A voir les grincements de dents du gouvernement et de la majorité présidentielle, à entendre les soupirs à peine dissimulés de Nicolas Sarkozy, à scruter les réactions survoltées de l'opposition, la conviction est presque installée que Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères, aurait réussi ce petit miracle de faire regretter à tous le temps béni de Bernard Kouchner. L'histoire du jet privé appartenant à un membre éminent du clan Ben Ali, à bord duquel Michèle Alliot-Marie avait survolé une Tunisie à feu et à sang, continue d'être un des titres effervescents de l'actualité française. Si brûlant que la seule grande question qui attend Nicolas Sarkozy lors de son rendez-vous télévisuel de ce jeudi «Face au Français»: «Pourquoi tardez-vous à faire démissionner Michèle Alliot-Marie quand on voit la promptitude que vous avez à condamner magistrats et policiers dans une affaire de récidive?». Il est clair que Nicolas Sarkozy aurait aimé se passer d'une telle interrogation. Son intervention télévisée était programmée, comme toutes ses sorties actuelles, pour se concocter une image d'un président proche des préoccupations des Français comme un passage obligé pour reconquérir leur confiance. Et le voilà qui va devoir au pire justifier l'injustifiable, au mieux parler par omission. Dans les deux cas avec l'absence d'une décision tranchante, l'exercice peut s'avérer politiquement contre-productif. Il faut dire que Nicolas Sarkozy n'a pas été aidé dans cette affaire par Michèle Alliot-Marie, fautive repentie à la communication brouillonne. Alors qu'elle était d'une remarquable discrétion depuis son arrivée au Quai d'Orsay qui rompait avec le style «m'as-tu-vu- à tout prix» de son prédécesseur Bernard Kouchner, la voilà qui prend brusquement d'assaut journaux et télévisions. Objectif : courir derrière les révélations, tenter de les justifier pour mieux étouffer leurs impacts. A la voir multiplier avec cette gourmandise les interventions quand son style propre inspirait la retenue et la timidité, Michèle Alliot-Marie faisait davantage coupable de cécité et d'autisme que victime d'acharnement. Elle est devenue le stand de tir préféré de l'opposition qui demande sa démission immédiate. Mais celle qui a eu la dent la plus dure contre Michèle Alliot-Marie fut sans conteste Ségolène Royal : «Aujourd'hui, on a une ministre des Affaires étrangères qui imite le président de la République puisqu'il a érigé le mensonge en méthode de gouvernement (…) C'est un nouveau coup porté à la crédibilité de la diplomatie française». Nicolas Sarkozy se trouve donc face à Michèle Alliot-Marie. Va-t-il lui demander de quitter le gouvernement pour enlever de son pied une épine des plus nuisibles pour sa communication et sa crédibilité ou va-t-il passer outre cette vague de protestations qui touche aussi bien l'opposition que la majorité présidentielle? Nicolas Sarkozy sait ce qu'il gagne à maintenir son échafaudage gouvernemental intact et à ne pas céder devant les coups de boutoir de ses adversaires. Une posture de fermeté à défendre ses troupes quel que soit le calvaire qu'elles traversent. Il avait eu l'occasion de le montrer dans le cas d'Eric Woerth, ancien ministre du Budget et ancien trésorier de l'UMP. Et malgré tout cela, Michèle Alliot-Marie ne doit pas se sentir à l'abri d'un coup d'éclat présidentiel.