Michèle Alliot-Marie ne sort pas de ses gonds et récite les éléments de langage de sa défense comme d'autres ânonnent une partition bien apprise. Qui osera imaginer un instant que Nicolas Sarkozy puisse congédier sa ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, actuellement sous le feu nourri de l'opposition pour avoir en pleine crise tunisienne, bénéficié des largesses d'un homme d'affaires proche du clan Ben Ali? Personne. Tant le président de la République semble être dans cette affaire pieds et poings liés. Que le journal satirique paraissant le mercredi, «Le canard enchaîné», puisse se gargariser des gorges d'un scandale montrant une proximité coupable entre le chef de la diplomatie française et un régime agonisant est déjà en soi une torture pour la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Qu'il faille y ajouter une crise gouvernementale en précipitant la démission de Michèle Alliot-Marie, un pas que Nicolas Sarkozy ne semble pas être prêt à franchir. C'est pour cette raison que consigne a été donnée à Michèle Alliot-Marie de monter au créneau, de se saisir des moments de télévision les plus regardés pour donner sa version des faits, à savoir que l'homme d'affaires en question Aziz Miled était un proche et un ami de la famille Alliot-Marie et que si on y examine attentivement son pedigree, on finirait par y découvrir les ingrédients d'une parfaite victime du système Ben Ali, voire d'un opposant camouflé. Michèle Alliot-Marie était si certaine de son argumentaire qu'elle le délivrait avec le sourire devant des journalistes qui brossait d'elle un portrait peu flatteur avec souvent des mots choc qui auraient pu faire vaciller les plus forts. Michèle Alliot-Marie, pourtant loin d'être une as de la communication ni une virtuose de la théâtralité, ne sort pas de ses gonds et récite les éléments de langage de sa défense comme d'autres ânonnent une partition bien apprise. Malgré l'artillerie lourde utilisée par l'opposition qui demande sa démission, Michèle Alliot-Marie est convaincue que son départ du gouvernement ne peut être à l'ordre du jour. Nicolas Sarkozy, dont la capacité de trancher s'est révélée ces derniers temps évanescente, ne peut se permettre une brèche aussi importante au sein de l'exécutif qu'il s'était forgé comme un instrument de conquête électorale. Cela donnerait lieu à un désaveu qui non seulement ravirait trop l'opposition à la recherche de la moindre occasion pour l'affaiblir, mais donnerait raison à ceux, au sein de sa propre famille, qui militaient contre le maintien de Michèle Alliot-Marie et de son compagnon Patrick Ollier au gouvernement. François Fillon, Premier ministre, en fait partie. Hasard des événements, c'est le même François Fillon qui avait révélé dans une lettre adressée à Jean-Marc Ayrault, le patron des députés socialistes le feu vert donné à la livraison d'une cargaison d'armes lacrymogènes à une période cruciale de la crise tunisienne au moment où Michèle Alliot-Marie proposait une coopération sécuritaire à la police de Ben Ali. Par impuissance ou par calcul, Nicolas Sarkozy semble être obligé de garder Michèle Alliot-Marie. Cette situation a déjà eu une conséquence immédiate. L'expression diplomatique française a de fortes chances d'être encore plus encadrée par l'Elysée comme au bon vieux temps du docteur Kouchner qui, à la fin de son mandat, isolé dans son bureau, apprenait le déroulement de l'action diplomatique française à travers la presse.