Pour Michèle Alliot-Marie, la séquence tunisienne avait inauguré une période de poisse de faux pas. S'il y a une personnalité au sein du gouvernement de François Fillon qui a su capter avec une gourmandise involontaire les effluves de la crise tunisienne, c'est bien Michèle Alliot-Marie, ministre des Affaires étrangères, locatrice du Quai d'Orsay ayant succédé à Bernard Kouchner. Sa proposition de coopération sécuritaire avec la police tunisienne au moment même où le président tunisien déchu Z. Ben Ali était déjà en train de négocier le lieu de son exil illustrait pour beaucoup la parfaite cécité pour certains, le total autisme pour d'autres dans lequel la diplomatie française s'était enfermée et qui l'avait empêchée de saisir la situation et de l'anticiper. La sortie malheureuse de Michèle Alliot-Marie était involontairement fondatrice de tout ce qui va suivre et distinguer le traitement diplomatique de la crise tunisienne. Du refus d'accueillir Ben Ali sur le territoire français, au gel des avoirs de son clan en passant par la déclaration des membres de sa famille indésirables en France… Tout était fait pour faire oublier la faute originelle d'avoir par la bouche très autorisée du ministre des Affaires étrangères voulu arrêter le cours de l'histoire. Pour Michèle Alliot-Marie, la séquence tunisienne avait inauguré une période de poisse de faux pas. En visite à Gaza, son convoi fut bousculé et accueilli fraîchement à coups de babouches et d'œufs pourris. Les manifestants de Gaza lui reprochent une phrase citée par la radio israélienne sur le sort du soldat israélien détenu par le Hamas Gilad Shalit. Un dessin de Plantu à la Une du journal «Le Monde» résume avec une grande finesse les soucis de Michèle Alliot-Marie. Il la montre en train de récriminer un soldat israélien en train d'assener un violent coup de pied dans le ventre d'un Palestinien avec cette phrase : «Mais enfin c'est pas comme ça qu'on frappe. Je peux vous envoyer des professionnels». Lorsqu'elle avait succédé à Bernard Kouchner, Michèle Alliot-Marie n'était accueillie que par des a priori positifs. Elle venait de prendre le fauteuil d'un homme devenu par la force des rapports au sein de l'exécutif français une potiche impuissante, jouant la posture et la déclamation pour mieux dissimuler l'inefficacité. Une femme aux épaules aussi carrés et à la tête aussi froide, ayant déjà roulé sa carrure des ministères aussi lourds à porter et à gérer que la Défense, l'Intérieur ou la Justice, ne pouvait qu'exceller dans une fonction qui nécessite une parole mesurée, un message limpide et une conviction claire. Or voilà. A la première bourrasque, Michèle Alliot-Marie commet une glissade digne des débutants et des amateurs. Le tournant tunisien a été magistralement raté. De nombreuses voix s'étaient élevées pour réclamer la démission de Michèle Alliot-Marie. Cette dernière n'a trouvé son salut que dans les critiques qui chargent l'incompétence de l'ensemble de l'appareil diplomatique français. Michèle Alliot-Marie aurait-elle pris une position aussi tranchée sans l'aval et le feu vert de sa hiérarchie ? Juste après cette tempête, Michèle Alliot-Marie avait entamé une tournée au Proche-Orient. Sans doute l'occasion de faire oublier sa sortie malheureuse sur la Tunisie. Mais à lire les commentaires de la presse française sur la question, le crédit du ministère des Affaires étrangères semble définitivement entamé.