Il faut reconnaître à François Fillon une certaine cohérence. Depuis le début, il n'avait pas cessé de répéter que son grand rêve était de faire un quinquennat complet au poste de Premier ministre. Aujourd'hui c'est presque confirmé. Lors de nombreux tête-à-tête que Nicolas Sarkozy a eu avec François Fillon depuis l'été, le sujet cardinal de leur discussion n'était ni la préparation de la succession de ce dernier à Matignon, ni la gestion de la crise des retraites. Les deux hommes devaient avoir ce genre de discussion : François Fillon : «Monsieur le président, estimez-vous indispensable que je parte». Nicolas Sarkozy : «François, si tu veux vraiment demeurer à Matignon, exprime publiquement le désir de rester». C'est cette grande ambiguïté entre les désirs réels des deux hommes qui est à l'origine de la grande hésitation qui gèle actuellement la décision de Nicolas Sarkozy. Le président de la République avait depuis le début fait le tour des candidats au poste de Premier ministre. Et il y avait une réalité qui sautaient aux yeux des commentateurs et qu'il ne s'avouait qu'en se rasant : Aucun des prétendants (Jean Louis Borloo, Michelle Alliot-Marie ou Alain Juppé pour ne citer que le tiercé des grosses pointures) ne pouvait apporter une plus-value qui ferait oublier François Fillon et justifierait son renvoi. D'autant que le Premier ministre, s'il n'a pas brillé par l'exercice de sa fonction à l'ombre de l'hyper actif président, a réussi une prouesse non négligeable, celle de se faire aimer par l'UMP et ses députés dont les grandes voix qui comptent ne jurent que par lui. Nicolas Sarkozy attendait donc un signal, une expression de désir de la part de son Premier ministre. Plus elle tardait à venir, plus les prétendants à sa succession étaient enhardis dans leur préparation. Jean Louis Borloo se comporte comme s'il était déjà en train de monter le perron de Matignon. Puis le signal tant attendu est venu, sous forme d'un acte de candidature clair à remplier : «Je crois, avait dit François Fillon a la fois décidé et vexé, à la continuité de notre politique réformiste parce que l'on ne gagne rien à changer de cap au milieu de l'action et parce que le redressement de la France réclame de la durée». François Fillon fut vexé de constater que le prétendant numéro un à le remplacer Jean Louis Borloo se présentait comme quelqu'un qui allait ouvrir une séquence sociale qui renforce le dialogue avec les partenaires sociaux. Comme si lui, François Fillon, avait négligé «le social». Suprême insulte à l'égard d'une personnalité dont la seule raison d'être aux côtés de Nicolas Sarkozy est de la fierté d'incarner une forme de gaullisme social. Il faut reconnaître à François Fillon une certaine cohérence. Depuis le début, il n'avait pas cessé de répéter que son grand rêve était de faire un quinquennat complet au poste de Premier ministre. Il se savait sans doute si bien à son poste, si saillant à la fonction de Premier ministre qu'il ne voyait pas qui, au sein de la majorité, pourrait venir le narguer et prétendre le remplacer. Aujourd'hui la balle est entièrement dans le camp de Nicolas Sarkozy qui n'a que deux choix qu'il doit trancher le plus rapidement possible, à voir la nerveuse impatience qui monte de sa propre famille : Ou prendre François Fillon au mot et le confirmer dans ses fonctions en apportant le maximum de changement au casting gouvernemental pour que le remaniement ait un sens. Ou nommer un autre Premier ministre, Jean Louis Borloo, par exemple, ce qui va mettre et François Fillon et une grande partie de l'UMP dans une opposition automatique.