Depuis le début du quinquennat, Claude Guéant a pris l'habitude de s'inviter dans l'arène médiatique pour faire des annonces et cadrer l'action du gouvernement. Ceux qui tentent d'expliquer la chute vertigineuse et permanente de Nicolas Sarkozy dans les sondages mettent régulièrement en avant sa tendance excessive à mettre en scène sa vie privée en commençant par ses mélodrames à répétition avec Cecilia Sarkozy et ses contes de fée surjoués avec Carla Bruni. Mais rares sont ceux qui attribuent ce désamour des Français au style du gouvernement mis en place par le président de la République où les ministres dont le premier d'entre eux François Fillon et les députés de la majorité disparaissent comme par enchantement au profit des conseillers de la présidence. L'homme qui commence à incarner aux yeux de l'opinion cette dérive est Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée. L'homme auquel le sobriquet moqueur de cardinal va comme un gant, était un inconnu du grand public avant la victoire de Nicolas Sarkozy. Lunettes rondes d'un notaire de province, un sourire sous forme de rictus comme figé ou par la douleur ou par un fou rire en préparation, il a des gestes tout en douceur et des verbes tout en murmure. Tout en lui en total contradiction avec l'attitude mouvante, sans cesse électrique, de «Speedy Sarkozy». Depuis le début du quinquennat, Claude Guéant à qui une certaine presse a donné le titre de l'homme le plus puissant de la République, a pris l'habitude de s'inviter dans l'arène médiatique pour faire des annonces et cadrer l'action du gouvernement. Par sa démarche, il accentuait d'avantage l'anonymat qui enveloppait le Premier ministre François Fillon et jetait les ministres responsables des dossiers dans un oubli sans fond. Sa dernière sortie ne fut pas du goût de tout le monde. C'est lui en effet qui s'était chargé d'annoncer à la presse la décision éminemment politique de revaloriser le minimum vieillesse, une des promesses phares du candidat Sarkozy, laissant à François Fillon, sinon le soin du moins le ridicule politique de confirmer l'information. Cette attitude constitua une dangereuse goutte d'eau à l'origine d'une bronca au sein de la majorité UMP du Parlement. La députée de la Meurthe et Moselle Valérie Rosso- Debord résume l'état d'esprit insurrectionnel qui menace le groupe parlementaire que dirige Jean François Coppé. : «J'ai dit que je ne trouvais pas normal que ce genre d'annonces soient faites par M. Guéant, quelles que soient ses qualités intrinsèques. Il y a un glissement institutionnel auquel il faut prendre garde (…) Je n'ai fait qu'exprimer ce que le groupe pense et les ministres présents étaient très contents de mon intervention» . Cette tendance et la stratégie qu'elle préfigure sont confirmées par un autre député, proche de Dominique De Villepin, Hervé Mariton : «La difficulté des temps nous stimule plus qu'elle ne nous déprime. La parole se libère. Le fait de s'interroger sur la relation au président de la République est de plus en plus explicite au groupe. Ce n'est pas un signe de défiance mais un message d'exigence». En plus de la grogne des députés, Claude Guéant a vécu une semaine difficile. Le supplément magazine du «New York Time» du week-end dernier avait consacré un interminable portrait au ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner intitulé «A Statesman Without Borders» (un homme d'Etat sans frontières) dans lequel le chef de la diplomatie française attribue l'échec français au Liban à « l'Elysée » et particulièrement à Claude Guéant, qui en compagnie du Sherpa de Nicolas Sarkozy Jean David Levitte, s'était rendu en Syrie dans une ultime tentative de ramener le président Bachar Al Assad à de meilleurs sentiments sur la crise libanaise. Bernard Kouchner a eu des mots dur à l'encontre de Claude Guéant: «Il ne faut pas jouer le jeu que les miens ont joué en allant à Damas. Avec eux, c'est toujours pareil. C'est un problème d'expérience. Ceux qui sont au courant le savent». Claude Guéant est souvent cité par les analystes politiques comme un possible successeur de François Fillon lors du prochain remaniement gouvernemental. Il est l'homme que Nicolas Sarkozy charge de murmurer des remontrances aux oreilles des ministres jugés inefficaces. A un moment où la tendance de noter les minsitres selon performances devient une mode, le côté «proviseur» de Claude Guéant est certainement un atout supplémentaire pour occuper Matignon. L'actuel locataire François Fillon, sans faire d'étincelles particulières, conserve une popularité à la limite de la provocation pour l'Elysée.