Cette sortie quelque peu prématurée d'Alliot-Marie aura du mal à dissimuler la difficulté que rencontre Sarkozy à gérer le cas particulier de Moubarak. Les braises tunisiennes n'ont pas encore cessé de fumer que déjà se profile à l'horizon immédiat une autre impasse pour la diplomatie française, c'est la crise de pouvoir et d'autorité qui secoue actuellement la société égyptienne et qui menace de se transformer en gigantesque levée de boucliers contre le président Hosni Moubarak. Si, par un exercice de contrition inédit, Nicolas Sarkozy semble avoir réussi à sortir son épingle du jeu de la jeune révolution tunisienne et à rattraper à la dernière minute une situation devenue ubuesque et contre-productive, le théâtre égyptien et la possible accélération des événements l'obligent à réagir. Avec l'Egypte, Nicolas Sarkozy ne peut évoquer l'argumentaire de la proximité historique et géographique qui liait la France à ses anciennes colonies d'Afrique et du Maghreb pour observer «cette réserve naturelle» qui le dispenserait de prendre position. C'est ce qui explique sans aucun doute le feu vert donné à son ministre des Affaires étrangères Michèle Alliot-Marie pour commettre des déclarations sur le sujet d'une étrange pertinence. Dans un exercice qui fleure bon la tentative de rattrapage, Michèle Alliot-Marie tente de retrouver les fondamentaux de la diplomatie française. Là où dans le cas tunisien elle s'était empressée de proposer une coopération policière avec l'appareil sécuritaire de Ben Ali, elle s'est complètement métamorphosée sur l'Egypte : «Je ne peux que déplorer qu'il y ait des morts, deux parmi les manifestants, un parmi les policiers (…) Il ne s'agit pas pour la France de faire de l'ingérence (mais) nos principes sont des principes de respect de l'Etat de droit, de non-ingérence mais aussi d'appel à ce qu'il y ait toujours plus de démocratie et de liberté dans tous les Etats». Cette sortie quelque peu prématurée de Michèle Alliot-Marie sur le ton « Chat échaudé craint l'eau froide » aura du mal à dissimuler la difficulté que rencontre Nicolas Sarkozy à gérer le cas particulier de Hosni Moubarak surtout dans l'hypothèse fort probable où le mouvement de contestation s'accentue contre son leadership et que la rue égyptienne s'enflamme à la manière tunisienne. C'est qu'entre les deux hommes, Nicolas Sarkozy et Hosni Moubarak, le courant politique passe. Si bien que le président français avait proposé à son homologue égyptien de coprésider la fameuse Union pour la Méditerranée. Même si, gap générationnel oblige, l'alchimie de leurs relations n'a jamais atteint celles qui liaient le Raïs égyptien à l'ancien président François Mitterrand, Nicolas Sarkozy est tombé sous le charme et l'influence de Hosni Moubarak au point de caler l'ensemble de la diplomatie française dans cette région riche en crises sur la respiration égyptienne. L'axe politique Paris-Le Caire est devenu ces derniers temps un des plus denses de la région. Aujourd'hui, alors que Hosni Moubarak est invité à pendre sa retraite et à abandonner les démons de la tentation dynastique qui semble s'emparer de lui, Nicolas Sarkozy est pris dans le piège égyptien. La dernière fois que le président français avait évoqué l'Egypte dans ses discours, ce fut lorsqu'il avait eu l'occasion de dénoncer l'épuration religieuse qui frappe la région du Moyen-Orient suite à l'attentat d'Alexandrie contre une église copte. Et depuis, il observe en silence cette ébullition égyptienne.