Amina Benbouchta expose ses tableaux le 12 février à l'atelier Bachkou de Saâd Hassani. Cette peintre occupe une place à part dans les arts plastiques au Maroc. Elle souffre d'une étiquette, en raison de sa vie mondaine. Tout le contraire de ses tableaux qui ne reposent pas sur une brillance convenue. A vue d'œil, il est impossible de deviner son métier. Il n'y a pas une trace de peinture sur ses ongles, impeccablement taillés. La petite taille de son sac à main Christian Dior, correspond très peu aux gigantesques cartables, interminables chemises en carton et autres malles où peut tenir la moitié d'une boutique. L'attirail encombrant qui écrase, d'habitude, les épaules des femmes peintres ne fait pas un seul pli à la veste d'Amina Benbouchta. Elle est toujours très élégamment habillée et au physique, elle ressemble à une actrice de cinéma. Dans la corporation des peintres, elle occupe un pré doré, en raison de son patronyme. Son père, Mehdi Benbouchta, était ministre. Son oncle, également. Amina Benbouchta fréquente la très haute bourgeoisie de Casa. Aux soucis pécuniaires des peintres, à la sueur de leur course pour vendre un tableau, elle oppose une assurance et une fraîcheur tranquilles. Amina Benbouchta ne renie pas ses origines. Ne cherche pas à se défendre par des considérations genre : on peut être ici et là-bas. On peut faire ceci et cela. Elle tranche ! Elle banalise la bourgeoise lorsqu'elle parle de l'artiste. “Ma personne est anecdotique“, dit-elle, établissant une distinction entre son activité de peintre et sa vie mondaine. Son discours éclaire souvent, par opposition son art. Il n'y a rien d'anecdotique dans la peinture d'Amina Benbouchta. Elle s'attache à l'essentiel. Une forme, qui s'apparente à un vase ou une jarre, dote d'équilibre un tableau, exempt d'une figuration qui se prêterait à la trame du discours. Les tableaux de Benbouchta sont faits pour clore le bec à quiconque voudrait y trouver une parenté avec la bijouterie ou le chatoiement des beaux tissus. Ils sont très souvent peints en noir ou en gris, à l'exception d'un seul coloré en rouge. Le noir, le gris et le rouge : des foyers d'énergie sombres en peinture. La peinture d'Amina Benbouchta est aux antipodes de la séduction facile. Il faut la regarder longtemps pour pénétrer dans les formes simples d'une chaise ou d'un vase. Amina Benbouchta semble avoir compris la leçon de Cézanne. Elle a l'art d'insuffler de la vie à des natures mortes. Mais l'étiquette est tenace, et l'intéressée a beau peindre des tableaux minimalistes dans leur expression, le cortège qui accompagne sa personne fait du bruit. Elle dit apprécier les gens qui vont au-delà des étiquettes pour interroger l'œuvre. Et puis, “ça serait trop facile d'être un peintre avec l'air qu'il faut“. Amina Benbouchta est venue relativement tard à la peinture, à l'âge de 15 ans. Pourquoi la peinture ? “Parce que je suis incapable de faire autre chose“. Lorsqu'on insiste un peu plus, elle répond : “Chaïbia a fait un rêve qui l'a conduit à la peinture. Moi, j'ai senti que je devais faire des tableaux“. Elle apprend à manier les pinceaux sous la férule du peintre Jacques Alérini. Elle part ensuite au Canada pour poursuivre des études en anthropologie. Elle revient avec un diplôme, sans pour autant se passionner pour cette discipline. Elle renoue avec l'art de peindre en suivant des cours dans des ateliers privés et à l'école supérieure des beaux-arts de Paris. Sa première expo personnelle remonte à 1991. C'était dans la galerie Arcanes de Rabat. L'expo a été saluée de façon unanime par les peintres et la presse. Depuis cette expo, Amina Benbouchta a beaucoup travaillé. Pas à un rythme suffisamment soutenu : elle est mère de trois enfants. Et à 40 ans, elle estime qu'une grande dose de son énergie va à ses enfants. Elle a pourtant les préoccupations d'un peintre angoissé. Elle détruit souvent, efface, ne montre que les toiles dont elle est fière. “Il se passe quelque chose en peinture qui dépasse le peintre“. Amina Benbouchta compte beaucoup à cet égard sur les accidents, sur l'intervention du hasard pour ouvrir à sa peinture des voies insoupçonnées. “J'ai toujours besoin d'affirmer que je suis peintre“. Elle l'affirme d'une façon qui flatte peu la rétine. Sa peinture n'est pas tape à l'œil ou jolie. Elle n'est pas séduisante. Tout le contraire de l'apparence de son auteur. Dans le chapitre de la séduction, Amina Benbouchta doit travailler avec retenue, sans frénésie dans le geste. Elle est loin de la ‘jadba' dont se réclament de nombreux artistes au Maroc : “Je peux difficilement séduire mon mari en sortant hirsute de mon atelier“.