Quand le père est décédé, Abdellah et les biens immobiliers de l'héritage ont été pris en charge par le frère aîné, Mohamed. Jeune, Abdellah a commencé à réclamer sa part de l'héritage. Mohamed a refusé. Et c'est un crime odieux. Nous sommes à la chambre criminelle près la Cour d'appel de Casablanca. Abdellah est au box des accusés. Âgé de vingt-six ans, il n'a jamais imaginé être l'auteur d'un crime odieux. En fait, selon ses amis, ses proches et ses voisins du quartier qui ont assisté à l'audience, il était une personne calme, sans problème et qui tente de gagner dignement sa vie. Personne n'a jamais cru que Abdellah pourrait être, un jour, plus cruel, plus agressif, plus barbare qu'on imaginait et qu'il pourrait être un meurtrier, ce n'est pas de n'importe quelle personne, mais de son propre frère. Bref, il est poursuivi pour fratricide. Quand il s'est tenu devant les magistrats de la chambre criminelle, il est resté bouche bée bien que le président l'interrogeait. C'est comme s'il était pétrifié, comme s'il ne croyait pas qu'il est le meurtrier de son frère et qu'il est l'auteur d'un crime abject. Il a fixé le président de la Cour sans dire le moindre mot. Et cela pendant plus de dix minutes, au point que le président de la Cour lui a demandé de retourner au banc des accusés pour qu'il reprenne son souffle. Après, il s'est tenu, une fois encore, au box des accusés pour répondre aux questions des juges. «Il ne voulait pas partager l'héritage que notre père nous a laissé après sa mort», a-t-il répondu lors de son interrogatoire. Abdellah était encore enfant quand son père a rendu l'âme. Il est resté à la charge de son frère aîné, Mohamed. Celui-ci ne l'a jamais jeté à la rue. Avec son épouse, il a pris soin de lui depuis la mort du père. Il l'a inscrit à l'école. Seulement, Abdellah n'a pas décroché de diplôme. Dès la neuvième année d'enseignement fondamental, il a abandonné ses études pour se lancer à la recherche d'un emploi. Malheureusement, il est resté au chômage. Mais, il ne s'est pas réfugié chez lui en attendant que son frère lui remette de l'argent. Au contraire, il n'a pas cessé de se débrouiller pour gagner sa vie. De fil en aiguille, il a commencé à réclamer sa part de l'héritage : une maison et deux boutiques. Son frère refusait d'en parler. Il lui expliquait toujours qu'il ne faut pas partager l'héritage pour qu'il ne s'évapore pas. Abdellah n'a rien compris aux paroles de son frère. Il comprenait une seule chose : avoir sa part de l'héritage pour arriver à vivre dignement. «M. le président, il ne me versait même pas ma part du loyer qu'il recevait des locataires», a-t-il précisé à la Cour. Mohamed empochait tout. Un sentiment rancunier a commencé à s'infiltrer dans cœur d'Abdellah. Surtout qu'il remarquait que son frère était aisé. Ils n'avaient besoin de rien, lui, sa femme et ses enfants. Par contre, Abdellah n'arrivait que difficilement à rejoindre les deux bouts. «Je lui demandais à chaque fois de m'aider. Mais il me reprochait d'avoir l'intention de gaspiller l'argent de l'héritage», a-t-il précisé à la Cour. Abdellah ne pouvait pas supporter les comportements de son frère, son aîné d'une vingtaine d'années. Le jour «J». Il a décidé de mettre fin à l'autorité de son frère. Il l'a rejoint dans la chambre, lui a demandé de partager l'héritage parce qu'il en avait besoin et lui a expliqué qu'il ne pouvait plus rester les bras croisés et de recourir à la justice. Aussitôt, Mohamed a giflé Abdellah. Un geste que celui-ci n'a pas accepté. Rapidement, il a saisi un couteau et lui a asséné plusieurs coups mortels. Verdict : vingt ans de réclusion criminelle.