Après la victoire de la gauche, la question de savoir s'il était encore indispensable de tenir des primaires socialistes pour choisir le candidat qui va mener la bataille des prochaines présidentielles, est posée. La victoire de la gauche avait une allure de triomphe, l'échec de la droite un goût de déroute et Martine Aubry, la première secrétaire du Parti socialiste sentait la brusque renaissance. Sa démarche déterminée, son verbe à la fois froid et lyrique, son phrasé souriant, indiquaient qu'à travers ses régionales, la mal-aimée du PS, celle qui trimbalait cette collante malédiction de «mal élue», venait de faire sa mue. Elle n'a certes pas réussi à réaliser le grand chelem, mais la victoire de la gauche sous sa direction était nettement le vote sanction contre Nicolas Sarkozy et ses ministres tellement tranchants qu'il lui est largement pardonné de ne pas être parvenue à imposer du rose/vert en Alsace, la seule région de l'Hexagone à n'avoir pas pu résister aux sirènes de Nicolas Sarkozy. Mais au soir de son sacre, Martine Aubry avait deux petites pierres dans ses chaussures qui l'empêchaient d'exécuter à merveille la danse des vainqueurs. La première s'appelle Georges Frêche, le notable du Languedoc-Roussillon qui a réussi à se faire triomphalement élire au nez et à la barbe de la hiérarchie socialiste. Georges Frêche, l'ancien socialiste banni pour ses petites phrases qui sentent fort le Front National, poussait la provocation jusqu'à adresser ses remerciements à Martine Aubry pour lui avoir assuré une promotion inespérée et avoir involontairement réussi à fédérer autour de lui les socialistes locaux. Aujourd'hui, il campe ce personnage rebelle qui avait dressé avec succès le terroir vivant et original contre les froids calculs de Paris. Une ombre qui continue d'assombrir le leadership de Martine Aubry. L'autre petite pierre s'appelle Ségolène Royal. Son éclatante victoire dans la région du Poitou-Charente, avec un confortable score, la remet subitement dans la course. Il était clair que, battue ou mal élue, Ségolène Royal allait dire adieu à toutes ses prétentions. Alors que maintenant la machine de Nicolas Sarkozy a tout investi pour la faire perdre, sa victoire semble lui ouvrir toute les voies. Ségolène Royal ne veut se comporter comme une présidente de région ordinaire. C'est pour cette raison qu'elle a décliné l'invitation de la rue de Solferino de venir prendre une photo de famille avec ses autres collègues élus. Ségolène Royal semble avoir réussi son pari. Depuis des mois elle avait fait le choix de disparaître du radar de l'actualité nationale pour se concentrer sur sa région. Avec sa victoire d'une ampleur particulière, avec plus de soixante pour cent des suffrages, elle a repris l'espoir de continuer à disputer à Martine Aubry le leadership sur le plan national. C'était tout le sens à trouver dans sa déclaration au soir de ce second tour et surtout dans la mise en scène qui dépasse largement sa vocation régionale. Après cette victoire de la gauche à porter au crédit de Martine Aubry, affectueusement appelée par son entourage, «Notre dame de la résurrection», la question de savoir s'il était encore indispensable de tenir des primaires socialistes pour choisir le candidat qui va mener la bataille des prochaines présidentielles, est posée. Sans doute par pudeur ou par crainte des lendemains qui déchantent, Martine Aubry refuse obstinément d'y répondre.