Donald Trump a officiellement prêté serment en tant que 47e président des Etats-Unis, marquant son retour au pouvoir après une pause de quatre ans. Au Maroc, ce retour a suscité un mélange d'espoir et de prudence. Dans les milieux diplomatiques et économiques, une certaine satisfaction peut être observée, notamment chez ceux qui considèrent la réélection de Trump comme une occasion de consolider les acquis de son premier mandat, en premier lieu la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Le Maroc, en tant que partenaire ancien, fiable et stable, continuera à bénéficier d'une relation privilégiée avec les Etats-Unis. Cependant, d'autres voix expriment des préoccupations quant à «l'imprévisibilité» de la politique de Trump et appellent à la vigilance. Sa tendance à privilégier des «approches transactionnelles» pourrait engendrer des incertitudes. Le dossier du Sahara marocain, dit-on, pourrait être utilisé comme monnaie d'échange ou moyen de pression dans d'autres enjeux internationaux. Dans certains milieux économiques, on s'inquiète des mesures américaines qui pourraient impacter les investissements chinois au Maroc. Au-delà des cercles politiques et économiques, l'opinion publique marocaine telle qu'elle s'exprime dans les réseaux sociaux reste partagée. Certains voient en Trump un ami du Maroc, tandis que d'autres redoutent les effets de la politique étrangère d'un président dont le prisme est centré sur les intérêts nationaux immédiats des Etats-Unis. Quoi qu'il en soit, le Maroc n'aura aucune difficulté à réajuster sa diplomatie pour s'adapter aux nouvelles orientations de la politique étrangère américaine et renforcer le partenariat stratégique. Sahara marocain Lors de son précédent mandat (2017-2020), Trump avait consolidé les relations avec le Maroc, considéré à Washington comme un partenaire clé dans la lutte contre le terrorisme et la stabilisation de la région sahélo-saharienne. Dans la stratégie américaine au Maghreb, le Maroc est un acteur central jouissant de la confiance de Washington. La reconnaissance historique de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, annoncée en décembre 2020, a constitué un tournant historique. Elle a fortement contribué à établir cette relation spéciale avec Trump et son équipe et à ancrer dans l'opinion publique marocaine une image favorable du président républicain, malgré les reproches qui peuvent lui être adressés par ailleurs. Cet acquis historique représente une pierre angulaire de la diplomatie marocaine, et il faudra œuvrer pour que l'administration républicaine aille plus loin. Si l'administration Biden n'a pas pu annuler la décision de Trump, ce dernier, non seulement maintiendra son soutien au Maroc, mais le renforcera par de nouvelles initiatives, à même de conforter la position marocaine sur le plan diplomatique et d'accélérer la recherche d'une solution politique au différend. Outre l'ouverture d'un consulat à Dakhla, telle que prévue dans la «Proclamation reconnaissant la souveraineté du Royaume du Maroc sur le Sahara occidental» du 10 décembre 2020, une initiative américaine au Conseil de sécurité serait la bienvenue. Entre-temps, on peut espérer que le président Trump désigne la branche armée du Polisario comme «organisation terroriste étrangère», au même titre que les Houthis. Pour cela, un renforcement du dialogue avec les instances américaines est nécessaire, à tous les niveaux, à commencer principalement par l'entourage du président. Le Maroc peut s'enorgueillir de compter de nombreux amis à Washington, et il ne fait pas de doute que l'action du secrétaire d'Etat Marco Rubio sera décisive. Les défis de la «normalisation» Le retour de Donald Trump pourrait remettre les projecteurs sur les relations entre le Maroc et Israël. La «normalisation» fait face à des défis majeurs qui menacent une dynamique fragile. Les relations entre le Maroc et Israël ont connu des avancées significatives : des échanges commerciaux accrus, une coopération technologique dans des secteurs clés tels que la défense, l'agriculture, la cybersécurité et les énergies renouvelables. Mais la guerre dévastatrice qu'Israël a menée à Gaza met ce rapprochement à rude épreuve. Tous les engagements contenus dans la déclaration trilatérale du 22 décembre 2020 ont été tenus du côté marocain. Cependant, le processus reste un cheminement délicat, confronté à plusieurs obstacles. D'une part, des voix critiques au sein de la société marocaine s'opposent à cette démarche, d'autre part, la politique de Benjamin Netanyahu complique les efforts de rapprochement. Le Maroc a cependant réussi le tour de force de naviguer habilement entre ses intérêts supérieurs et les contraintes d'ordre interne, en maintenant un équilibre qui préserve les acquis de l'accord trilatéral tout en affirmant son rôle historique de défenseur de la cause palestinienne. Pilier de stabilité dans sa région, le Maroc, qui a à son actif des succès en matière de déradicalisation et de sécurité intérieure, est un acteur agissant et un allié incontournable dans la lutte contre les menaces terroristes dans la région sahélo-saharienne. La coopération avec les Etats-Unis devrait se poursuivre, voire s'intensifier, par le soutien logistique et technologique américain. L'organisation chaque année au Maroc des exercices militaires conjoints African Lion est la meilleure preuve de la bonne santé des relations entre les deux pays.