Ils s'enivraient tous les trois, quand les regards de Naïma ont croisé ceux d'Abdelouafi à l'insu de son amant, Mouhcine. Des regards innocents qui vont se terminer en drame : trois morts calcinés et une condamnation à la perpétuité. Nous sommes à la Cour d'appel de Safi. La salle d'audience réservée à l'examen des affaires criminelles était archicomble cet après-midi du mois de janvier. Au box des accusés, se tenait Mouhcine, accusé d'avoir commis trois meurtres en mettant le feu dans une maison située à Derb Boujertila. «Je n'avais pas l'intention M. le président ni de les brûler, ni de les tuer… Je ne sais ni comment, ni pourquoi je me suis comporté ainsi», a expliqué Mouhcine les larmes aux yeux. L'affaire remonte à plus d'une année, quand Mouhcine a invité son ami, Abdelouafi pour passer une bonne soirée ensemble. «Ma maîtresse, Naïma, va nous rejoindre pour qu'on passe la soirée à trois », a affirmé Mouhcine à son ami Abdelouafi. Ce n'était pas la première fois que les deux amis passent une soirée autour de bouteilles de vin rouge et un plat bien préparé. Mais, ils les passaient à deux. Jamais, Naïma n'était en leur compagnie. La veille, Mouhcine lui a demandé de les rejoindre pour faire la connaissance de son ami. Mouhcine avait tout préparé. Et la table était bien garnie. C'était Abdelouafi qui est arrivé le premier. Ce père d'un enfant, divorcé, n'avait pas de temps à perdre ce samedi soir. Le premier « trois-quart» de vin rouge était à sa dernière «tournée» quand Naïma, charmante, est arrivée. Mouhcine qui l'a embrassée lui a demandé la cause de son retard. «Je me suis rendue chez ma mère pour lui confier ma petite fille», lui a-t-elle chuchoté à l'oreille avant de tendre sa main à Abdelouafi qui se tenait juste devant elle. Naïma, vingt-neuf ans, divorcée, mère d'une fillette, entretenait depuis quelques mois une relation amoureuse avec Mouhcine. Très accroché à elle, celui-ci pensait la demander en mariage. Les verres du vin rouge tournaient entre les doigts des trois tout en conversant. Tout d'un coup, Naïma a remarqué que Abdelouafi la fixait curieusement. Elle a fait semblant qu'elle n'a rien remarqué surtout pour ne pas attirer l'attention de son amant. Au fil du temps, Abdelouafi lui a lancé un clin d'œil. Naïma s'est contentée de sourire sans dire un mot. Mais, elle le fixait elle aussi comme si elle lui exprimait son désir d'être, elle et lui, seuls, sans compagnon. Mouhcine s'esseulait et bavardait sans rien remarquer. Tout d'un coup, Naïma lui a demandé de lui chercher du lait pour sa fillette. «J'ai promis à ma mère de ramener du lait pour ma fille dans une heure», lui a-t-elle dit. Mouhcine est sorti pour chercher du lait. Et Naïma est restée seule avec Abdelouafi qui lui a chuchoté à l'oreille : «J'ai tout ce que tu veux chez moi». Naïma n'a manifesté aucun refus. Au contraire, elle était très contente d'avoir cette invitation. Quand Mouhcine est arrivé, elle lui a demandé de l'attendre juste le temps de porter le lait à sa fillette. Seulement, elle est partie sans retour. Un instant plus tard, Abdelouafi lui a demandé la permission de partir: «Parce que j'ai des amis qui m'attendaient chez moi pour continuer la soirée jusqu'à l'aube». Abdelouafi est parti. Mouhcine attendait sa maîtresse. En vain. Même son téléphone portable était «hors zone». Enfin, il a décidé de rejoindre son ami, Abdelouafi, chez lui. À Derb Boujertila, chez Abdelouafi, c'était la surprise. Naïma y était entre les bras de son ami. Mouhcine n'a rien reproché à personne. Calmement, il a disparu pour retourner avec un bidon de cinq litres d'essence à la main, il a tout arrosé avant de mettre le feu. Et c'était la catastrophe: la mort d'Abdelouafi et deux filles de joie, Bouchra et Charifa, âgées respectivement de vingt et de vingt-quatre ans et sept personnes blessées. Verdict: la peine à la perpétuité.