Le lundi 5 octobre, le grand journal francophone «La Tribune de Genève» a publié un encart publicitaire qui a provoqué la stupeur des deux côtés des rives du Lac Léman. On se souvient de Nicolas Sarkozy, alors ministre français de l'Intérieur, dénonçant, en novembre 2005 à Argenteuil, la délinquance des jeunes des quartiers populaires: «Vous en avez assez de cette bande de racailles? Eh bien, on va vous en débarrasser!». La formule avait choqué, car elle semblait stigmatiser de manière générale toute la jeunesse en souffrance, souvent maghrébine ou noire, des banlieues. Or l'expression contestée vient de revenir comme un boomerang en pleine figure de toute une population française, celle des travailleurs qui, chaque jour, traversent la frontière entre la France et la Suisse pour aller remplir un emploi à Genève. Le lundi 5 octobre, le grand journal francophone «La Tribune de Genève» a publié un encart publicitaire qui a provoqué la stupeur des deux côtés des rives du Lac Léman. On y lisait ceci, auquel les Français ne sont guère habitués : «Le CEVA? Un nouveau moyen de transport pour la racaille d'Annemasse! Expulsons les criminels étrangers. Ne leur offrons pas encore un accès à Genève». Le CEVA désigne un projet de ligne ferroviaire entre la ville française frontalière d'Annemasse et Genève. L'encart publicitaire avait été payé par l'Union démocratique du centre ( UDC ), une formation populiste de droite. La raison de cette publication? Justement, les élections législatives qui se sont déroulées le 11 octobre dernier. Deux partis de droite, l'UDC et le Mouvement citoyen genevois ( MCG ), ont tout particulièrement rivalisé dans la dénonciation des travailleurs frontaliers français. Cette dernière formation politique a été le grand vainqueur des élections au «Grand Conseil» (le Parlement) du Canton de Genève (il est passé de 9 à 17 sièges, tandis que l'UDC subissait un recul en passant de 11 à 9 sièges). Son slogan de campagne : «Genève et les Genevois d'abord». Pour le président de ce parti, Eric Stauffer, «Genève risque tout simplement de devenir un déversoir pour les 2, 9 millions de chômeurs français». Selon lui, il existe un lien direct entre la présence des travailleurs français ( environ 60.000 frontaliers ) et le taux de chômage à Genève, le plus élevé de Suisse: 7% contre 3, 9% au niveau national. La plupart originaires de Haute-Savoie, les Français qui traversent la frontière chaque jour ou chaque semaine pour aller travailler dans la capitale du Léman, sont surtout employés dans le tertiaire (commerce, santé, hôtellerie-restauration ). Le travailleur français frontalier dépend du droit du travail suisse, mais en cas de chômage complet il est indemnisé par la France. Un employeur suisse désireux d'engager un ressortissant étranger, français ou autre, doit prouver qu'il n'a pas trouvé sur le marché du travail suisse un résident capable d'occuper le poste concerné. Peu de risque, donc, pour que les Français «viennent manger le pain» des Genevois et qu'ils grèvent les caisses d'indemnisation des chômeurs! Cette campagne anti-Français a, bien entendu, créé une forte indignation en Haute-Savoie. La plupart des Français, malheureusement, n'en ont guère été informés. Or découvrir que le racisme n'est pas «que pour les autres», peut aider à réfléchir sur sa propre xénophobie.