Philippe de Villiers est en train d'opérer sa mue et de se rapprocher de l'UMP. Ceci en annonçant son intention de rejoindre le comité de la majorité présidentielle. Même si l'information est écrasée par la farniente ambiante que connaît le rythme lent et politiquement famélique de l'actualité, elle a de fortes de chances de focaliser une grande partie du débat politique de la rentrée: Philippe de Villiers, l'homme que l'ancien président de la République Jacques Chirac voulait mettre sur orbite pour contrer Jean-Marie Le Pen sur les terres de l'extrême droite et que Nicolas Sarkozy avait superbement ignoré pour cause d'euro-pessimisme excessif, est en train d'opérer sa mue et de se rapprocher de la galaxie UMP. Philippe de Villiers l'a fait à travers un geste extrêmement parlant. Il vient d'annoncer son intention de rejoindre le comité de la majorité présidentielle qu'anime le truculent maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. Autant dire qu'il vient de prendre sa carte d'adhérent au sein de l'écurie de Nicolas Sarkozy qui, à mi-mandat, prépare les prochaines échéances électorales, à commencer par les élections régionales de 2010. Le rapprochement entre Nicolas Sarkozy et Philippe de Villiers n'est pas une surprise en soi. Seule la question de son timing avait une importance particulière. La relation entre les deux hommes n'a jamais atteint le stade de non-retour. Philippe de Villiers, maitre abusif du verbe qui blesse et de la dent sanglante, avait manifestement ménagé Nicolas Sarkozy. Sa critique était inscrite dans un registre soft qui ressemble plus aux reproches amers dictées par une frustration de conjoncture qu'à la démolition par bulldozer. Pour Nicolas Sarkozy, le profil de Philippe de Villiers, président du conseil général de Vendée, présentait un intérêt particulier: il n'a pas la réputation infréquentable et haineuse d'un Jean-Marie Le Pen, ni la jalousie morbide d'un François Bayrou. Pour ces raisons, son nom était souvent cité dans les cénacles pour rejoindre la président de la République dans le cas où ce dernier sent le besoin impérial de s'ouvrir sur l'extrême droite pour compenser, en équilibre, son ouverture sur la gauche, devenue sa marque de fabrique. L'arrivée de Philippe de Villiers, islamophobe assumé et souverainiste radical, dans l'écurie présidentielle, ne va pas sans créer quelques soucis domestiques à Nicolas Sarkozy. Xavier Bertrand , le numéro un de l'UMP et toujours successeur potentiel de François Fillon à Matignon tente d'apaiser les inquiétudes: «Philippe de Villiers n'adhère pas à l'UMP (…) Au moment où les socialistes se recroquevillent et où la gauche montre ses divisions, il est important de montrer que nous sommes ouverts, sur notre gauche comme sur notre droite, et unis quand les autres sont sectaires et divisés». C'est que le feu commençait déjà à couver. Commentant ce que le Front National qualifie «d'auberge espagnole où chacun peut venir avec son manger», les associés de droite comme de gauche de Nicolas Sarkozy au sein de la majorité présidentielle commencent à donner de la voix désapprobatrice. Christine Boutin présidente du Parti chrétien démocrate, ancienne ministre du Logement débarquée sans ménagement, trouve là une belle occasion de régler quelques comptes avec une aigreur non camouflée : «Je pense qu'il y a des limites aux choses. A force de tendre la corde, elle finira par rompre (…) C'est bien de vouloir rassembler tout le monde, c'est une belle idée, mais je pense qu'une démocratie a besoin d'une opposition». De l'autre côté de l'échiquier, Jean-Marie Bockel président de la gauche moderne et secrétaire d'Etat à la Justice craint un risque de «tangage» de la majorité. «Ce sont quand même des personnes qui ont défendu des positions, je pense surtout à Philippe de Villiers, très éloignées de celles que j'ai moi-même prônées ou défendues». Tout en critiquant la manœuvre, l'opposition socialiste lui reconnait quelques vertus. Michel Sapin, secrétaire national du PS s'incline et tire une étonnante révérence à Nicolas Sarkozy : «C'est une preuve tactique d'intelligence, parce qu'il sait très bien que le rassemblement des forces dans un camp permet dès le soir d'un premier tour d'apparaître comme en tête et donc de créer un élan».