Google, toutefois, n'est pas rédacteur en chef. On peut, pour peu qu'y prenne garde, s'enrichir d'une recherche sur le Web. Dans un journal de la place, j'ai eu comme un brin de désagrément en parcourant un papier, sur un sujet qui m'intéresse et que je connais relativement bien. C'est que la lecture était accompagnée de réminiscences et de cette impression de déjà vu. Le sujet en question est d'un sérieux qui frise la gravité bien que le papier le traita par le petit bout de la lorgnette. Au détour d'un paragraphe, je fus frappé par une phrase dont la formulation ne peut être que le produit d'un journaliste français de souche, d'une méconnaissance du sujet ou d'une cervelle aride. Après vérification, j'ai retrouvé, avec l'aide d'un ami que j'ai interpellé sur la question, le même papier, à quelques virgules près, paru, la veille de l'édition en cause, dans un grand journal parisien. Nous nous sommes esclaffés, avec cet obscur sentiment de victoire, comme si notre enquête épistolaire et néanmoins policière, avait abouti à identifier la preuve d'un flagrant délit de plagiat caractérisé. On peut et on a le droit de glaner des informations dans le papier d'un confrère. On peut même s'en inspirer pour écrire le sien. Mais on cite ses sources. Lorsqu'on le pique intégralement, en changeant la signature en bas de page, c'est une action d'appropriation frauduleuse. C'est de la rapine. Du hold-up. Et professionnellement, c'est l'une des plus graves atteintes à la plus élémentaire déontologie journalistique. Le web, c'est un prodigieux outil d'information, mais aussi l'espace le plus pollué du monde tant il loge, à la même enseigne, aussi bien un papier de haute tenue scientifique que le grossier état d'âme de n'importe quel individu en mal d'écriture. Google, toutefois, n'est pas rédacteur en chef. On peut, pour peu qu'y prenne garde, s'enrichir d'une recherche sur le Web. Il ne faut, surtout lorsqu'on est journaliste, y puiser impunément l'effort des autres. Parce que fatalement, on prend le risque de faire sienne l'idéologie des autres et parfois leurs méconnaissances. Ce risque est une très grande menace pour ceux qui s'aventurent dans le maquis des sujets qu'ils méconnaissent. Il l'est encore plus pour tous ceux qui n'ont ni idéologie ni principes, à commencer par celui de marauder, sans scrupule, dans les travaux des autres. Un proverbe chinois dit : «quand le sage montre la lune avec son index, l'idiot seul se contente de regarder le doigt». Certains lecteurs de cette chronique risquent d'être frustrés. Ils s'attendaient peut-être à ce que je cite des noms. Que je balance des titres. Ici n'est pas l'objectif. C'est loin de mon trait de caractère. Mon propos est plutôt de dénoncer cette paresse intellectuelle qui induit des comportements frauduleux.