Une bataille rangée oppose des minorités basistes et islamistes sur fond de leadership au sein des facultés, provoquant de violents incidents et mettant en danger l'avenir de la majorité silencieuse des étudiants. «L'université marocaine est malade». Ce diagnostic est livré par Farissi Serghini, qui n'est autre que le président de l'Université Sidi Mohamed Ben Abdellah de Fès. «Il a fallu batailler ferme pour éviter que l'actuelle saison ne soit une année sabbatique», soupire Saïd Naji, enseignant à la Faculté de Fès. Ce qui est vrai de Fès, l'a été aussi de Meknès, Marrakech, et plus récemment de Kénitra, où les dégâts ont été aussi nombreux que sanglants. Que s'est-il alors passé au sein des facultés de ces villes? Les droits des étudiants ont-ils été violés? Les revendications estudiantines n'ont-elles pas été prises en considération? Y a-t-il eu un désaccord sur la manière de conduire la réforme universitaire ? Loin de là, quand bien même certains s'acharneraient à expliquer cette escalade par «la non-satisfaction des revendications estudiantines». Des revendications, irréalistes de surcroît, qui ne sont souvent que prétexte à l'escalade. En clair, «c'est à une guerre de positionnement idéologique que l'on assiste», explique l'universitaire Farissi Sarghini. Voilà, le mot est lâché. Pas moins de trois groupuscules appartenant à des formations radicales se disputent le leadership de l'université marocaine. Il y a d'une part les islamistes d'Al Adl Wal Ihssane, les membres de l'Organisation «Attajdid attollabi» (Le Renouveau estudiantin, proche du parti du Mouvement de l'unicité et de la réforme MUR, aile radicale du Parti de la justice et du développement), et il y a de l'autre côté les basistes, constitués notamment des activistes du parti de l'extrême-gauche «Annahj Addimocrati». Privées de base électorale, ces formations essayent bon an mal an d'asseoir leur influence politique au sein de l'université. «Annahj Addimocrati n'a pas de base électorale, alors il cherche à faire parler de lui à travers les manifestations estudiantines». «Al Adl Wal Ihssane utilise pour sa part l'université pour jouer la carte de la pression sur l'Etat». «Le PJD, sorti affaibli du scrutin législatif de 2007, instrumentalise à son tour les campus à des fins électorales». Les analyses, relevées par des spécialistes de la vie estudiantine, s'accordent sur le danger que représente l'instrumentalisation de l'université à des fins politiques. On est loin de la vocation de l'université vecteur pédagogique, scientifique et académique. «L'université est devenue une caisse de résonance pour des diatribes purement politiciennes», relève un académicien, décriant «une mainmise» dirigée par des minorités politiques au détriment de la majorité silencieuse des étudiants.